177. Une histoire mixte de l’antiquité, avec Violaine Sébillotte Cuchet

L’invitée : Violaine Sébillotte-Cuchet, professeure à l’université Paris-I

Le thème : le projet Eurykleia, base de données pour une histoire mixte de l’antiquité, présenté dans le numéro de décembre 2020 de la revue Mètis

La discussion :

  • La revue Mètis et sa place originale dans les études grecques (1:30)
  • Présentation du projet Eurykleia (4:00)
  • À l’origine du projet, une insatisfaction liée aux études sur le genre, centrées sur les discours (5:20)
  • Des femmes pas si invisibles dans l’antiquité grecque, sur d’autres types de sources que celles de la tradition littéraire (7:00)
  • Un groupe de recherche collectif reliant des chercheuses de différents horizons (Adeline Grand-Clément, Sandra Péré-Noguès, Sandra Boehringer) (9:30)
  • L’origine et le sens du nom « Eurykleia » (12:40)
  • Que serait une « histoire mixte » de l’antiquité ? (14:00)
  • Les défis d’écriture posés par le projet (16:10)
  • Les entreprises prosopographiques du passé, et la distinction à faire avec le projet Eurykleia (18:30)
  • Comment analyser les documents étudiés ? Un exemple pris dans un sanctuaire, et la comparaison nécessaire avec le volet masculin de la documentation (23:35)
  • Un travail sur les femmes réelles, et pas sur les déesses (27:47)
  • Des noms féminins pas toujours évidents ni faciles à déchiffrer ! (29:25)
  • La nécessité de disposer d’outils statistiques (30:50), via une base ouverte et interopérable (33:25)
  • Englober toutes les périodes de l’antiquité grecque pour dégager constantes et contrastes (37:30)

Le conseil de lecture : Sandra Boehringer, L’homosexualité féminine dans l’Antiquité grecque et romaine, préface de David Halperin, Paris, Les Belles Lettres, 2007 (408 p.)

33. Naissance de l’imprimerie à Venise, avec Catherine Kikuchi

L’invitée : Catherine Kikuchi, maîtresse de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines, contributrice du site Actuel Moyen âge

Le livre : La Venise des Livres, 1469-1530, Champ Vallon, 2018.

La discussion : une démarche de recherche qui part de la question des imprimeurs allemands à Venise (1’45) ; la diffusion de l’imprimerie de l’Allemagne rhénane vers Venise au XVe siècle, difficile à retracer (2’45) ; l’espionnage industriel d’un Nicolas Jenson (4’15) ; la nécessité de déconstruire la notion englobante d’« imprimeur » pour approcher ce groupe social et sa complexité (5’30), un métier qui à l’origine n’est pas dans le cadre d’une corporation, posant la question des possibles mobilités sociales (7’40), l’usage des sources et en particulier des colophons, ces marques distinctives à la fin des livres (9’10), la méthode prosopographique, le corpus, et les résultats de l’enquête sur le plan des origines : un monde du livre marqué par la présence d’étrangers (10’10), les enjeux identitaires du fait de se dire « Allemand » ou « Italien » dans le contexte de l’humanisme européen (11′), les liens entre imprimeurs allemands et marchands dans le cadre notamment du Fondaco dei Tedeschi (12’40), la « condition d’incertitude » (S. Cerruti) des étrangers à la fin du Moyen âge (14′), le lectorat de Venise et le marché du livre tel que les sources le dessinent (15’30), les ressemblances et différences avec les livres moins coûteux imprimés à Paris (16′), le livre comme objet de luxe, mais qui devient moins cher et plus accessible au cours de la période (17’25), les spécificités de l’imprimerie comme activité économique, et les gros investissements en capital que cela nécessite, ainsi que la fragilité qui en découle (19’05), les stratégies d’enracinement et de transmission familiales des entreprises (22’40), l’articulation entre tensions (voire violences) et solidarités au sein du groupe (24’15), ce que dit le monde du livre des pouvoirs vénitiens (26’50), les multiples langues et alphabets d’impression (grec, cyrillique, glagolitique…) et les situations que cela recouvre (29’30), les traces de ces imprimeurs dans la Venise d’aujourd’hui, leurs sépultures notamment (34′), les éclairages de l’histoire du livre sur les enjeux contemporains (36’30), la place de cette recherche : histoire moderne, médiévale, du « long Moyen âge » ? et pourquoi le terme de « Renaissance » n’y correspond pas ? (37’20)

Les références citées dans le podcast :
Claire Lemercier et Emmanuelle Picard, « Quelle approche prosopographique ? »
– Philippe Braunstein, Les Allemands à Venise (1380-1520), Rome, École française de Rome, 2016.
– Simona Cerruti, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Paris, Bayard, 2012
– Martin Lowry, Le monde d’Alde Manuce. Imprimeurs, hommes d’affaires et intellectuels dans la Venise de la renaissance, Évreux, Cercle de la Librairie, 1989.

Le conseil de lecture : Henri-Jean Martin et Lucien Febvre, L’apparition du livre, 1957

32. Le « Maitron », un monument de l’histoire sociale désormais en libre accès, avec Paul Boulland

L’invité : Paul Boulland, ingénieur de recherches au CNRS, Centre d’Histoire Sociale du XXe siècle.

L’événement : le site et dictionnaire Maitron passe en libre accès !

La discussion : présentation du Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (0’50) ; la journée Maitron du 5 décembre 2018 et la mise en ligne en libre accès du site et du dictionnaire (1’50) ; la vie, le travail et le militantisme (principalement au PCF) de Jean Maitron (4’00) ; la genèse du projet de dictionnaire dans les années 1950 (8’40), et sa dimension initiale d’histoire mondiale ; autour du « Maitron » et de la revue Le mouvement social, l’entrée de l’histoire sociale et ouvrière à l’université dans les années 1960-1970 (10’35) ; un dictionnaire qui fait se rencontrer univers militant et histoire scientifique (13’) ; la « dignification » (Bernard Pudal) du monde ouvrier qui en résulte ; les archives et sources plus denses du XXe siècle et notamment du PCF (19’30) ; l’élargissement du Maitron à d’autres thèmes et corpus, par professions ou moments (cheminots, fusillés de la 2e GM…) ; la place des femmes dans le Maitron, en partie tributaire de leur (in)visibilité dans les sources policières et militantes (25’) ; le passage du dictionnaire papier au CD-Rom puis au site internet (27’15) ; les questions d’indexation et de métadonnées (28’00) ; les usages à venir du Maitron pour les chercheurs-ses et enseignant-e-s du secondaire (31’45) ; un outil historiographique avec la présence de beaucoup d’historien-ne-s dans le Maitron, ainsi que d’artistes (33’35) ; un dictionnaire ouvert et encore en voie d’enrichissement , au-delà de la date butoir de 1968 (34’) ;

Les conseils de lecture :

Javier Cercas, L’imposteur, Arles, Actes sud, 2015
Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière, Paris, Grasset, 2012. Biographie de Lucie Baud sur le Maitron.
Paul Boulland, Des vies en rouge. Militants, cadres et dirigeants du PCF (1944-1981), Éditions de l’Atelier, 2016

31. Ecclésiastiques en débauche à Paris au XVIIIe siècle, avec Myriam Deniel Ternant

L’invitée : Myriam Deniel Ternant, docteure en histoire, enseignante.

Le livre : Ecclésiastiques en débauche, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017.

La discussion : les origines du travail, entre représentations littéraires de la sexualité des ecclésiastiques et curiosité pour les mutations religieuses du XVIIIe siècle (1’30), le thème de l’inconduite sexuelle du clergé, qui existe depuis le Moyen âge (5’50), la difficulté d’une mesure diachronique de la « débauche » ou de la « moralisation » du clergé (6’50), le travail mené sur les sources policières parisiennes, et leurs spécificités (8’25), des registres plus ou moins loquaces, au langage inégalement policé (9’20), Paris, observatoire des mœurs et lieu de convergence de clercs d’horizons variés (12’20), les normes de chasteté qui sont censées être observées par le clergé (14’50), une « chasse aux abbés » autour de 1750, aux causes multiples, discutées et compliquées dont le conflit autour du jansénisme (17’30), un arrière-plan troublé par l’attentat de Damiens en 1757 (20’30), le vocabulaire assez vague des rapports d’arrestation et la difficulté d’une étude sérielle (22’15), un corpus où clergé régulier et haut clergé restent peu visibles (23’30), une géographie de la prostitution centrée sur le Palais-Royal, et dont des ecclésiastiques s’échangent les adresses (24’35), un rapport particulier au corps et à la nudité (26’10), des pratiques sexuelles marquées par les attouchements, par la flagellation parfois (27’10), des rapports sexuels avec des prostituées qui alternent avec des pratiques de couple ou de concubinage (29’30), les réactions de la société à ce qui est perçu, parfois, comme déviance ou scandale, et les éléments déclencheurs d’éventuelles poursuites (31’30), les liens entre ces déviances du clergé et la thèse discutée d’une “déchristianisation” au XVIIIe siècle (36’45), la difficulté de mener de front une thèse et l’enseignement dans le secondaire (38′).

Sources et références mentionnées dans le podcast :
– Boyer d’Argens, Thérèse philosophe, in Patrick Wald Lasowski, Romanciers libertins du xviiie siècle, Paris, Gallimard, 2000 [1748].
– Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, Genève, Slatkine Reprints, 1979 [1782]
– Erica-Marie Benabou, La Prostitution et la police des mœurs au xviiie siècle, Paris, Perrin, 1987.
– Robert Muchembled, Les Ripoux des Lumières. Corruption policière et Révolution, Paris, Seuil, 2011.
– Clyde Plumauzille, Prostitution et révolution, Paris, Champ Vallon, 2016.

Les conseils de lecture :
Sylvie Steinberg (dir.), Une histoire des sexualités, Paris, PUF, 2018.
Katrina Kalda, Arithmétique des dieux, Paris, Gallimard, 2013.

 

2. Les socialistes dans l’Algérie coloniale, avec Claire Marynower

L’invitée: Claire Marynower, agrégée d’histoire et maîtresse de conférences à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Ses travaux de recherche portent sur l’histoire du Maghreb à l’époque coloniale.

Le livre : L’Algérie à gauche 1900-1962, PUF, 2018.
La discussion : le choix de travailler sur l’Algérie coloniale (à 2 minutes environ), l’objet du livre: les socialistes en Algérie, des colonisateurs de “bonne volonté” selon l’expression d’un acteur de l’époque (3’30)  les particularités de la région d’Oran, terrain de l’enquête (6′), les types de sources utilisées, en l’absence des archives locales du parti (8′), la démarche prosopographique (10’30), le portrait plus nuancé qu’on ne l’écrit habituellement des militants du parti (13′), les violences qui émaillent la vie politique dans l’Algérie de l’entre-deux-guerres (15’45), l’importance de la guerre d’Espagne dans la vie d’Oran toute proche et peuplée d’une forte communauté d’immigrés espagnols (17’30), le projet de Réforme Blum-Viollette en 1936 et l’enthousiasme qu’il suscite du côté algérien (20′), les possibilités de rencontre au sein de la S.F.I.O. entre Français et Algériens ainsi que leurs limites (23′), les difficultés croissantes des socialistes face à l’irruption du nationalisme algérien dans les années 1940 et 1950, autour des émeutes et violences de Sétif et Guelma (1945) en particulier (25’20), l’importance du livre pour réfuter les tendances nostalgiques qui mythifient “l’effort colonial” de la France en Algérie (29’40).

Les références citées dans le podcast :
– Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, coll. “Folio histoire”, 2e éd., 2016 [2001].
– Albert Memmi, Portrait du colonisé, précédé de Portrait du colonisateur, Paris, Buchet/Chastel, 1957.
– Célia Keren, « Négocier l’aide humanitaire : les évacuations d’enfants espagnols vers la France pendant la guerre civile (1936-1939) », Revue d’Histoire de l’Enfance Irrégulière, n°14, dossier « Enfances (dé)placées », 2013, p. 167-183.
– Jean-Pierre Peyroulou, Guelma,1945. Une subversion coloniale dans l’Algérie française, Paris, La découverte; coll. “Textes à l’appui”, 2009.

Le conseil de lecture final : Marceline Loridan-Ivens, L’amour après, Paris, Grasset, 2018.