267. Ukraine et révolution (les mercredis des révolutions)

Les mercredis des révolutions, Université populaire de la société d’histoire de 1848 en partenariat avec Politis, Mediapart et Paroles d’histoire. Retrouvez tout le programme de la 6e saison (2022-2023).

Un siècle sépare la Révolution russe de 1917 et la révolution du Maïdan de 2014. Un siècle sépare également la guerre civile qui a suivi la révolution et la guerre dans laquelle l’Ukraine est engagée depuis huit ans. Quels enseignements peut-on tirer d’un regard croisé sur l’Ukraine à travers ces périodes historiques?
Au cours de cette séance, Anna Colin Lebedev, politiste qui a publié récemment Jamais Frères ? Ukraine et Russie : une tragédie postsoviétique et Eric Aunoble, historien co-auteur de Histoire partagée, mémoires divisées : Ukraine, Russie, Pologne reviennent sur le lien entre guerre et révolution. Ils proposent un dialogue entre passé et présent sur les choix sociaux et les dynamiques géopolitiques, sur l’exercice du pouvoir et la place de l’État, ou encore sur les pratiques et enjeux de la langue.
Cette séance, animée par Sylvie Aprile, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Nanterre, a été enregistrée le 23 novembre 2022 à la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris.

228. Menaces sur Memorial, usages politiques de l’histoire en ex-URSS, avec Eric Aunoble

L’invité : Eric Aunoble, historien, université de Genève

Le thème : l’association Memorial et les usages du passé en Russie et en Ukraine

La discussion :

  • Les menaces pesant sur l’association Memorial (1:20)
  • Le sens et le rôle de cette association née pendant la Perestroïka (3:05)
  • La fin des années 1980, moment de passion pour les révélations sur le passé soviétique (7:00)
  • Quels sont les acteurs à l’origine de Memorial ? (8:20)
  • Le rôle fondamental de Memorial pour documenter noms, lieux, archives de la terreur d’État soviétique (11:20), avec des bases de données (13:00)
  • Les résistances à ce travail, en Russie comme en Ukraine (17:00), avec un contre-récit nationaliste russe (18:30)
  • Le travail de Memorial sur les atteintes contemporaines aux droits de l’homme, à travers les guerres de Tchétchénie en particulier, sur fond de crise économique (23:20)
  • Les soutiens à Memorial de la communauté académique internationale (27:30), et les dilemmes des libéraux en partie coupés de la société russe (29:30)
  • L’inscription de l’affaire Memorial dans un contexte plus large d’usages du passé en Russie (32:00) avec des mélanges mémoriels (33:15)
  • Les déclinaisons ukrainiennes de ces enjeux mémoriels (34:00) avec la figure de Makhno et ses usages (35:15)
  • Quelle réception du « roman national » russe et poutinien dans la société ? (38:00)
  • Quels effets dans le champ académique ? (46:30)

Les références citées dans l’émission :

Conseil de lecture: Iegor Gran, Les Services compétents, Paris, P.O.L., 2020

Générique de fin : Bérurier noir, Makhnovtchina

175. Buczacz, anatomie d’un génocide, avec Omer Bartov et Tal Bruttmann

L’invité: Omer Bartov, professeur à l’université Brown

Le livre: Anatomie d’un génocide. Vie et mort dans une ville nommée Buczacz, Paris,  Plein jour éditions, 2021 [2018]

La discussion:

  • Préface et présentation d’Omer Bartov, par Tal Bruttmann, historien, spécialiste de la Shoah
  • La 1e question de l’entretien porte sur la localisation de la ville de Buczacz étudiée dans le livre, aujourd’hui en Ukraine, et qui a varié dans l’histoire
  • Le livre comporte un aspect intime d’histoire familiale, comme ceux de Daniel Mendelsohn et Philippe Sands, j’ai demandé à Omer Bartov la place de cette dimension dans son ouvrage
  • La question suivante porte sur la durée de la recherche et la difficulté de brasser des matériaux dans de nombreuses langues
  • L’histoire de Buczacz paraît linéaire avec une explosion inéluctable de la violence : d’où ma question, est-ce qu’il y a des moments de bifurcation, après lesquels cette histoire aurait pu se dérouler autrement ?
  • Cette idée que la 1e GM constitue un tournant pour l’Europe de l’est et du sud-est, radicalisant les antagonismes, Omer Bartov l’a développée dans un projet collectif dirigé avec Eric Weitz, Shatterzone of empires, la zone d’effondrement des empires, il explique maintenant ces logiques
  • La question suivante porte de façon plus générale sur la manière dont la guerre fait s’effondrer les normes sociales et morales, ce qui était aussi l’un des aspects étudiés dans L’armée d’Hitler
  • Dans l’entre-deux-guerres à Buczacz on voit monter les nationalismes, ce qui pose un problème particulier pour les Juifs de Galicie : contrairement aux Ukrainiens et Polonais il leur est difficile de revendiquer ce territoire
  • La question suivante porte sur le rôle des aspects économiques et sociaux, de la pauvreté de cette région, dans les mécanismes de la violence, en lien avec le ressentiment des acteurs
  • Comme dit précédemment, la 2e GM commence à l’est de la Pologne, à Buczacz, avec l’occupation soviétique, de 1939 à 194 : un moment important parce que les Juifs se retrouvent associés au régime communiste
  • Un aspect très frappant des pages consacrées au génocide commis par les Allemands est que son déroulement est presque quotidien, avec des meurtres en pleine rue, de façon quasi constante, très loin de l’image parfois diffusée de la Hhoah, d’un crime de bureau et d’une organisation industrielle du meurtre de masse
  • J’ai ensuite posé à Omer Bartov la question de ses choix d’écriture, dans un chapitre qui n’est pas chronologique mais passe en revue des expériences individuelles et des portraits ; en demandant aussi quel lien il voyait entre son intégration des témoignages et celle faite par Saül Friedlander dans sa grande synthèse
  • Un des aspects terribles racontés dans le livre est cette sorte de dissonance cognitive chez les Allemands qui commettent des meurtres épouvantables ou y assistent, et vivent leur vie de famille tranquille en buvant du schnaps. Est-ce qu’on peut l’expliquer ?
  • Le livre confirme aussi, ce que l’on savait, à quel point ces crimes sont restés presque totalement impunis
  • La fin de l’occupation allemande ne signifie pas la fin de la violence, d’abord entre groupes nationalistes, puis en raison des politiques staliniennes
  • Une avant-dernière question qui porte sur les traces très minimes de ces événements à Buczacz et dans la région aujourd’hui
  • Pour finir, j’ai demandé à Omer Bartov sa réaction à la traduction en français de son livre

Travaux d’Omer Bartov

  • The Eastern Front, 1941–1945: German Troops and the Barbarization of Warfare, Palgrave Macmillan, 2001
  • Hitler’s Army: Soldiers, Nazis, and War in the Third Reich, Oxford Paperbacks, 1992; trad. fr. L’armée d’Hitler, La Wehrmacht, les nazis et la guerre, Paris, Hachette, 1999.
  • Murder in Our Midst: The Holocaust, Industrial Killing, and Representation, Oxford University Press, 1996
  • Mirrors of Destruction: War, Genocide, and Modern Identity, Oxford University Press, 2002
  • Germany’s War and the Holocaust: Disputed Histories, Cornell University Press, 2003
  • The “Jew” in Cinema: From The Golem to Don’t Touch My Holocaust, Indiana University Press, 2005
  • Erased: Vanishing Traces of Jewish Galicia in Present-Day Ukraine, Princeton University Press, 2007
  • (dir., avec Eric Weitz) Shatterzone of Empires: Coexistence and Violence in the German, Habsburg, Russian, and Ottoman Borderlands, Bloomington, Indiana University Press, 2013
  • The Holocaust: Origins, Implementation, Aftermath. Routledge, 2015
  • Anatomy of a Genocide: The Life and Death of a Town Called Buczacz, Simon & Schuster, 2018.
  • Voices on War and Genocide: Three Accounts of the World Wars in a Galician Town, Berghahn Books, 2020

Auteurs et ouvrages cités dans l’émission (par ordre alphabétique, en traduction)

  • Shmuel Yosef Agnon (prix Nobel de littérature 1966)
  • Saül Friedlander, L’Allemagne nazie et les juifs, 2 vol., Paris, Seuil, 2008.
  • Raul Hilberg, Exécuteurs, victimes, témoins. La catastrophe juive (1933-1945), Paris, Gallimard, 1994.
  • Timothy Snyder, Terres de sang. L’Europe entre Hitler et Staline, Paris, Gallimard, 2012.
    • Recension par Omer Bartov : “Bloodlands : Europe between Hitler and Stalin (Book review)”, Slavic Review, Vol. 70, No. 2 (Summer 2011), p. 424-428