56. Quelle histoire dans les manuels scolaires? avec Sébastien Cote, Carole Greffrath et Emmanuelle Picard

Les invité-e-s : Sébastien Cote, professeur en CPGE et directeur de collection de manuels scolaires ; Carole Greffrath, éditrice chez Nathan ; Emmanuelle Picard, maîtresse de conférences à l’ENS de Lyon

Les livres : S. Cote et E. Picard (dir.), Regards historiques sur les grandes étapes de la formation du monde moderne ; Regards historiques sur Nations empires et nationalités de 1789 aux lendemains de la Première Guerre mondiale (Nathan, à paraître en 2019)

La discussion :

  • L’origine du projet de livre d’accompagnement historiographique aux programmes scolaires dirigé par S. Cote et E. Picard (2:10)
  • L’accès plus facile aujourd’hui aux renouvellements grâce à des ressources électroniques (4:30)
  • Comment relire de façon novatrice des programmes d’apparence très classiques ? (6:35)
  • Peut-on faire des manuels et rester critique envers les réformes et les choix ou le fonctionnement de l’institution scolaire ? (9:35)
  • Les rapports entre monde universitaire et histoire enseignée dans le secondaire, avec des liens transformés et en partie à renouer (12:15)
  • Les enjeux civiques de l’histoire scolaire : usages publics de l’histoire, rapport à la vérité, place de la méthode historique (17:55)
  • Les usages multiples et parfois contradictoires des manuels, transformés encore par le passage au numérique, non sans poser problème (20:30)
  • La distinction à faire entre programmes, manuels, et contenus des cours d’histoire, source de polémiques artificielles (« Verdun ne sera plus enseigné ! ») (25:50)
  • La place des « points de passage et d’ouverture » et la lourdeur des programmes (30:50)
  • La méthode historique et les sources à placer au cœur de la pédagogie ? (36:00)
  • Les contraintes d’écriture et de fabrication d’un manuel (45:25)
  • Comment sont choisis les auteurs ? Quel rôle pour le directeur ? (52’50)
  • La prise en compte des troubles « dys » dans les manuels (56’40)
  • Est-ce que certaines situations d’apprentissage sont testées avant d’être dans les manuels ? (57’50)
  • Les différents métiers (cartographe, iconographe…) impliqués dans la fabrication d’un manuel (1:00:40)
  • Comment rappeler dans un manuel que les femmes sont actrices de l’histoire ? (1:02:25)

55. Páscoa et son procès : une esclave entre Afrique et Brésil au XVIIe siècle, avec Charlotte de Castelnau-L’Estoile

L’invitée : Charlotte de Castelnau-L’Estoile, professeure d’histoire moderne à l’université Paris-Diderot

Le livre : Páscoa et ses deux maris. Une esclave entre Angola, Brésil et Portugal, Paris, PUF, 2019.

La discussion :

  • La vie et la condamnation pour bigamie d’une esclave (1:00), avec sa marge de liberté (“agency”)
  • Un cas trouvé dans les sources inquisitoriales (3:15)
  • L’inquisition portugaise, machine implacable et minutieuse (5:35)
  • Les regards critiques portés par les voyageurs étrangers à l’époque moderne sur la société brésilienne, remarquant la prégnance d’une religiosité baroque et de l’esclavagisme (9:15)
  • La structure de l’empire portugais entre Europe, Afrique et Brésil (10:35)
  • Les spécificités de l’esclavage en Angola, et ce qu’on peut savoir du statut de Páscoa (13:45)
  • L’Angola, dans un entre-deux linguistique et culturel (19:50)
  • La bigamie comme véritable « crime de l’empire » du fait des circulations dans cet espace (22:20)
  • Pourquoi l’Église et l’Inquisition accordent-elles tant d’importance au mariage des esclaves ? (23:35)
  • Les actions et réactions de Páscoa qui fait face à la procédure dirigée contre elle : contre-enquête, réactivation de réseaux, capacité à bâtir une défense et une argumentation (26’35)
  • La contradiction entre conception économique de l’esclavage (comme chose) et le mariage des esclaves (sacrement indissoluble) (28:40)
  • La fin de cette histoire avec le retour de Páscoa au Brésil, et dans sa condition d’esclave (30:35)
  • Les enjeux éthiques et méthodologiques qu’implique l’écriture de cette histoire (33:15)

Les conseils de lecture :
– Le “roman documentaire” de Thorkild Hansen en trois volumes, dont deux traduits (Actes sud): La Côte des esclaves (1990), Les bateaux négriers (1996).
– Gisli Palsson, L’homme qui vola sa liberté. Odyssée d’un esclave, Gaïa éditions, 2018.

 

54. Émotions dans le monde savant, avec Françoise Waquet

L’invitée : Françoise Waquet, directrice de recherche émérite au CNRS

Le livre : Une histoire émotionnelle du savoir, XVIIe-XXIe siècle, Paris, Éditions du CNRS, 2019.

La discussion :

  • L’histoire des émotions dans le fil d’un parcours de recherche centré sur les savants (1:00)
  • Entrée en matière : l’émotion de l’agrégé de Lettres Pierre-Maurice Masson devant sa thèse achevée en 1916 (2:30)
  • Des émotions situées : avec des collègues, des supérieurs, des instruments, un corps… (4:45)
  • Des émotions malgré un idéal savant d’objectivité, passant par des publications normées avec une façade lisse et dépourvue d’émotions, notamment en sciences « dures » avec le modèle IMRAD (Introduction, materials and methods, results and discussion) pour les articles (6:00)
  • Pour trouver les émotions des chercheurs : deux types de sources : ego-documents (lettres, récits, remerciements…) et rapports sur la condition des chercheurs et chercheuses (10:25)
  • Un « tournant réflexif » des sciences humaines depuis les années 1980, et la multiplication de textes d’« ego-histoire » (15:05)
  • Les émotions, la recherche et la question du masculin / féminin (16:30)
  • Les émotions positives : admirations et chocs devant des rencontres de livres ou de personnalités admirées (19:10)
  • L’attachement aux lieux de travail, comme les laboratoires (21:25)
  • Le choc émotionnel que fut, en France, le passage de l’ancienne Bibliothèque nationale (salle Labrouste, rue de Richelieu) au site de la BNF-Tolbiac (23:00)
  • Les bouleversements liés à l’arrivée de l’ordinateur, entre émerveillement et craintes, puis « computer anxiety » et « computer rage » (29:00)
  • Les émotions négatives liées aux difficultés de recrutement, à travers les campagnes de Marc Bloch et Lucien Febvre au Collège de France (34:20)
  • La perte d’une bibliothèque et de papiers, douleur pour un chercheur ou une chercheuse (41:30)
  • Le manque de reconnaissance des « petites mains » ayant travaillé aux grandes enquêtes collectives des années 1960-1970 (43:45)

Les références citées dans le podcast :
Etienne Anheim, Le travail de l’Histoire, Publications de la Sorbonne, 2018.
– Marc Bloch et Lucien Febvre, Correspondance, édition de Bertrand Müller, Fayard, 3 vol.
– Patrick Boucheron, Faire profession d’historien, Publications de la Sorbonne, 2010.
– Lorraine Daston, Peter Galison, Objectivité, Les presses du réel, 2012.
– Philippe Descola, Les Lances du crépuscule : relations Jivaros. Haute-Amazonie, Paris, Plon, « Terre humaine », 1993.
– Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989.
– François Jacob, La statue intérieure, Paris, Odile Jacob, 1987.
– Michel Perrin, Le chemin des Indiens morts : mythes et symboles guajiro, Payot, 1976.
– Dossier « Bibliothèque nationale de France : expériences vécues », Le Débat, 1999/3 (n° 105)
– Article sur la controverse liée à l’ouverture de la BNF-Tolbiac

Le conseil de lecture :
– Jean Rouaud, Kiosque, Paris, Grasset, 2019.

53. Revoir “Le Nom de la Rose”, avec Elisabeth Lusset

L’invitée: Elisabeth Lusset, chargée de recherche au CNRS

F. Murray Abraham, Michael Lonsdale, Sean Connery, Umberto Eco et Jean-Jacques Annaud sur le tournage du Nom de la Rose

Le film: Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud (1986), d’après le roman d’Umberto Eco

La discussion:

  • Présentation générale et résumé du film (1:30)
  • L’origine du projet et le rôle des médiévistes comme conseillers historiques: Jacques Le Goff, Jean-Claude Schmitt, Michel Pastoureau, Françoise Piponnier…(5:45)
  • Le casting et le choix discuté de Sean Connery (10:40)
  • Les décors et les inspirations pour l’abbaye, mélange de différents sites: Eberbach, Rocca di San Leo, Sagra di San Michele, Castel del Monte… (12:20)
  • Pourquoi une statue baroque dans un film médiéval ? (14:15)
  • La réception critique et publique du film (15:40)
  • Un roman d’Umberto Eco presque impossible à mettre à l’écran (17:55)
  • La réaction furieuse de Jacques le Goff à la vision du film, et l’écart ou la tension entre cinéastes et historiens (21:20)
  • Une représentation du Moyen âge en partie juste, mais largement fantasmée (22:50)
  • La mise en scène d’un monastère bénédictin, et de ses rapports avec les paysans montrés comme misérables et exploités (24:25)
  • Le discours idéologique ou politique du film, et l’Église dépeinte comme instance de domination (26:00)
  • L’origine des franciscains, et des accusations d’hérésie portées contre certains ordres ou groupes religieux: Dolciniens, Spirituels… (31:50) et la mise en scène des affrontements religieux dans le film (37:20)
  • La représentation de la vie monastique et la crainte du scandale face aux transgressions  (38:20)
  • Enquêtes, autopsies et poisons au Moyen âge (41:00)
  • Peut-on torturer un moine médiéval, comme le suggère Bernardo Gui dans le film ? (43:40)
  • La question de l’abstinence des clercs (45:40)
  • L’anglais comme équivalent du latin dans le film, et le jeu sur les origines géographiques des personnages, avec le monastère comme lieu d’accueil (46:40)
  • Livres, scriptorium, bibliothèques (49:35)
  • Un Moyen âge dépeint sous des couleurs sombres, issu d’un imaginaire gothique / romantique: bossu, procès d’une « sorcière »… (52:33)
  • Guillaume de Baskerville comme incarnation du versant positif, rationnel, du monde médiéval, par opposition au fanatisme de l’inquisiteur (moins sanguinaire dans la réalité) et du bibliothécaire (54:20)
  • Les scènes les plus intéressantes d’un point de vue pédagogique ou pour ce qu’elles révèlent de la vision contemporaine du Moyen âge (55:40)

Les références et conseils de lecture :

Sur le film :
– Jean-Jacques Annaud, Une vie pour le cinéma, entretiens avec M.-F. Leclère, Paris, Grasset, 2018
– Priska Morrissey, Historiens et Cinéastes : rencontre de deux écritures, Paris, l’Harmattan, coll. « Champs visuels », 2004.
– Jacques Le Goff, Une vie pour l’histoire: entretiens avec Marc Heurgon, Paris, La Découverte, 1996.
– Michel Pastoureau, « La collaboration historique au cinéma: entretien avec Michel Pastoureau », Revue de l’Association historique des élèves du lycée Henri-IV : L’émoi de l’histoire, 21, tome 1, printemps 2000, p. 6-23.

En histoire médiévale, pour l’éclairer :
“Le cloître et la prison”:  webdocumentaire sur l’enfermement à Clairvaux
– François Amy de la Bretèque, L’Imaginaire médiéval dans le cinéma occidental, Paris, Champion, 2004.
– Franck Collard, Le Crime de poison au Moyen Âge, Paris, PUF (« Le nœud gordien »), 2003.
– Faustine Harang, La torture au Moyen âge, Paris, PUF, 2018.
– Claude Gauvard, Condamner à mort au Moyen âge, Paris, PUF, 2018.
– Elisabeth Lusset, Crime, châtiment et grâce dans les monastères au Moyen Âge (XIIe-XVe siècle), Turnhout, Brepols, 2017.
– Sophie Page, Magic in the Cloister. Pious Motives, Illicit Interests and Occult Approaches to the Medieval Universe, University Park (PA), The Pennsylvania State University Press, 2013.

 

52. L’esclavage médiéval, avec Sandrine Victor

L’invitée : Sandrine Victor, maître de conférences à l’institut universitaire d’Albi

Le livre : Les fils de Canaan. L’esclavage au Moyen âge, Paris, Vendémiaire, 2019.

La discussion :
Sur l’esclavage médiéval – l’origine du livre et la curiosité pour la présence des esclaves sur les chantiers médiévaux ; la présence parfois effacée de l’esclavage dans l’historiographie ; les grands débats portant sur le Moyen âge comme sortie de l’antiquité esclavagiste ; l’ambiguïté fondamentale du vocabulaire médiéval de l’esclavage et les difficultés qu’il pose aux historien·ne·s ; la phase initiale du Haut moyen âge où les codes barbares attestent le maintien de l’esclavage ; une définition de l’esclavage et les distinctions à faire avec le servage, en particulier de provenance géographique ; la distinction entre société esclavagiste et société à esclaves ; la difficile quantification de la part des esclaves ; le regard porté sur la Méditerranée médiévale, central pour le dossier de l’esclavage, et la géographie du trafic avec ses plaques tournantes (Verdun, Gênes…) ; les continuités entre esclavage médiéval et traite moderne se développant au XVIe siècle ; la place des esclaves dans la vie économique, en ville en particulier ; les justifications données à l’esclavage, sur le plan religieux notamment ; les possibilités d’affranchissement, limitées par un stigmate persistant ; la rareté des révoltes serviles.

Sur l’incendie de Notre-Dame – le choc provoqué par l’incendie ; les possibilités qu’il offre pour renouveler les connaissances ; la nécessité de prendre le temps de l’étude, de la réflexion et du débat pour savoir que qui pourra / devra être reconstruit.

Les conseils de lecture :
-Olivier Grenouilleau, Qu’est-ce que l’esclavage? Une histoire globale, Paris, Gallimard, 2014.
-Fabienne Guillen, Salah Trabelsi (dir.), Les esclavages en Méditerranée. Espaces et dynamiques économiques, Madrid, Casa de Velazquez, 2012.
-Philippe Bernardi, Bâtir au Moyen âge, Paris, CNRS éditions, 2011.

51. Délices du feu et morsures du froid dans la France d’Ancien régime, avec Olivier Jandot

L’invité : Olivier Jandot, agrégé et docteur en histoire moderne, enseignant au lycée Gambetta-Carnot d’Arras et à l’Université d’Artois

Le livre : Les délices du feu. L’homme, le chaud et le froid à l’époque moderne, Champ Vallon, 2018.

La discussion : l’effort de contextualisation et d’imagination à produire pour comprendre les notations du passé concernant le froid et l’hiver ; le « grand hiver » de 1709 et les raisons de sa notoriété ; la nécessité de croiser les sources (médicales, du for privé) pour comprendre ce rapport au froid, et l’utilisation des sources iconographiques, en lien avec les travaux des médiévistes ; la vulnérabilité face au froid des sociétés anciennes, illustrée par la régularité des morts de froid ; l’absence d’isolation thermique de l’habitat ancien, compensée par des « espaces gigognes » ; la fracture géographique et culturelle entre cheminées et poêles ; la nécessité d’économiser le bois, et de se chauffer avec des combustibles de substitution ; un enjeu social qui s’aggrave avec une crise forestière perçue au XVIIIe siècle ; les instruments de chauffage portatifs ; la persistance de ce rapport au froid tard au XXe siècle, illustrée par la chanson « Bonhomme » de Georges Brassens (1958, extrait sonore) avec le bois mort, « chauffage du pauvre » ; un rapport à la chaleur socialement différencié mais qui touche aussi les puissants ; a chaleur humaine et animale comme solution face au froid ; l’évolution majeure décelable au XVIIIe siècle à partir notamment de la Mécanique du feu de Nicolas Gauger (1713) ; la circulation des savoirs (Benjamin Franklin) avec une prise en compte scientifique de la chaleur ; un discours critique sur la demande sociale de chaleur, lisible chez Rousseau par exemple.

Musique de générique : Henry Purcell (livret de John Dryden), King Arthur, 1691, interprété par le Deller Consort (Nigel Beavan, basse), acte III, « Air du froid »

COLD GENIUS
What power art thou, who from below
Hast made me rise unwillingly and slow
From beds of everlasting snow?
See’st thou not how stiff and wondrous old,
Far unfit to bear the bitter cold,
I can scarcely move or draw my breath?
Let me, let me freeze again to death.

Les conseils de lecture :
– André Bucher. Déneiger le ciel. Sabine Wespieser, 2007.
– Françoise Waquet, Histoire émotionnelle des savoirs, CNRS, 2019.

 

50. Sport et création artistique à l’époque soviétique, avec Julie Deschepper et Sylvain Dufraisse

Les invités : Julie Deschepper, doctorante à l’Inalco ; Sylvain Dufraisse, maître de conférences à l’Université de Nantes

L’exposition et le livre:

“Rouge. L’art au pays des soviets” (Grand Palais, jusqu’au 22juillet 2019)

Les héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930 – années 1980), Champ Vallon, 2019.

La discussion : pourquoi il faut voir l’exposition « Rouge », d’une grande richesse en termes d’œuvres exposées, et de variété de formes artistiques (1’) ; un art qui ne se réduit pas à ses dimensions officielles ou « totalitaires » (3’) ; parmi ces œuvres, celles consacrées aux corps, allant de la biomécanique de Meyerhold à la promotion de la vigueur physique (5’) ; d’autres qui illustrent la violence stalinienne (7’10) ; la césure muséographique entre 1er niveau de l’exposition (années 1920) et second niveau (années 1930) à interroger (8’50) ; la complexité des années 1930 avec l’ouverture aux loisirs « modernes » comme le parachutisme (10’15) ; le concept moins simple qu’il n’y paraît de « réalisme socialiste » (13’40) ; certaines continuités entre les années 1920 et 1930 en matière de figuration et de représentation (18’40) ; l’accent bienvenu mis sur l’architecture et l’espace public dans l’exposition (21’) ; les reconfigurations de la ville socialiste dans un contexte de pénuries de logements (24’) ; les artistes et sportifs comme « promus » (Nicolas Werth) dans la société soviétique (27’15) ; le concept de kultur’nost ou de « civilisation » soviétique ; les contradictions du sport de compétition dans une société collectiviste (30’) ; la nécessité d’éviter une lecture trop monolithique du régime soviétique, pour comprendre les discussions ou compétitions entre organes (34’35) ; la façon dont l’URSS se construit au contact de l’étranger et de l’Ouest (avec le fait de quitter ou de rejoindre les fédérations sportives « bourgeoises » ou le CIO) (41’30) ; l’URSS qui attire des sportifs « marginaux » comme Jules Ladoumègue dans les années 1930 (43’) ; les problèmes que posent les voyages des sportifs soviétiques à l’étranger (46’) ; un retour critique sur l’idée de « stagnation » à l’ère brejnevienne (51’10), les conseils de lecture.

Les références citées dans l’émission :

« Rouge ! L’art au pays des soviets », documentaire d’Arte (A. Minard)
– Michael David-Fox, Showcasing the Great Experiment. Cultural Diplomacy and Western Visitors to the Soviet Union, 1921‑1941, Oxford University Press, 2012.
– Sabine Dullin, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940), Paris, Éditions de l’EHESS, 2014.
– Marc Elie et Isabelle Ohayon, « L’expérience soviétique à son apogée », Cahiers du monde russe, 54/1-2, 2013.
– Emila Koustova, « Les fêtes révolutionnaires russes entre 1917 et 1920. Des pratiques multiples et une matrice commune », Cahiers du monde russe, 47/4, 2006.
– Cécile Pichon-Bonin, Peinture et politique en URSS : l’itinéraire des membres de la Société des artistes de chevalet (1917-1941), Dijon, Les Presses du réel, 2013.
– Travaux de Valérie Pozner sur le cinéma

Les conseils de lecture :

– Ilf et Petrov, Le veau d’or
– Gianni Haver, Jean-François Fayet, Valérie Gorin, Emilia Koustova (dir.), Le spectacle de la Révolution. La culture visuelle des commémorations d’Octobre, Lausanne, Antipodes, coll. « Univers visuels », 2017
– Sheila Fitzpatrick, Le stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30, Paris, Flammarion, 2002.

49. “Game of Thrones” et l’histoire, avec Aurélie Paci

L’invitée : Aurélie Paci, doctorante à l’université Paris-I en histoire de la Mésopotamie antique, vice-présidente de l’association « La garde de nuit »

L’œuvre : la série de livres A Song of Ice and Fire (Le trône de fer) de George R. R. Martin, adaptée à l’écran par HBO sous le titre Game of Thrones

La discussion : est-ce bien sérieux de s’intéresser à Game of Thrones en histoire ? ; les sources d’inspiration de George R. R. Martin, à la fois en histoire et dans les romans historiques, dont Les Rois maudits de Maurice Druon et les livres de Thomas Costain (5:05) ; la « guerre des Roses » en Angleterre à la fin du XVe siècle comme parallèle majeur avec le début de l’intrigue (11:50) ; la géographie historique de l’univers de G. R. R. Martin (16:00), faisant coexister des périodes historiques avec leurs codes et stéréotypes : Westeros, continent médiévalisant (16:50) / Essos, continent où se mêlent références à la Grèce antique et à la Mésopotamie (18:55) ; les thèmes complémentaires de l’esclavage et de la barbarie (23:00) ; une série fictionnelle qui donne très peu de place aux enjeux sociaux et simplifie l’image des révoltes (24:10) ; à l’inverse la volonté de l’auteur de s’éloigner de certaines simplifications propres à la fantasy (25:50) ; les barbares cavaliers Dothraki, inspirés des Huns ou des Scythes (27:15) ; la mort de Viserys et ses références antiques: mort de Crassus ; mort d’Aquilius à qui Mithridate VI fait verser de l’or fondu dans la bouche (30:05) ; le Mur comme écho au mur d’Hadrien (33:50) ; les mécanismes historiques travaillés par la série, en particulier les enjeux dynastiques et la construction des légitimités (35:50), mais aussi la question du pouvoir à distance (39:45) ; la question de l’impôt, quasi absente de la série (42:20) ; l’histoire interne à la narration et l’idée d’un temps historique travaillé au sein même de l’œuvre (43:55) ; Samwell Tarly comme « historien » et avatar de l’auteur ? (45:50)

Les références mentionnées ou conseillées :
– site de l’association La Garde de Nuit
– l’indispensable podcast Binge Mode
– Carolyne Larrington, Winter is coming : Les racines médiévales de Game of Thrones, Paris, Passés/composés, 2019
– Besson A., « Le Trône de fer, les routes sans fin d’un univers en expansion », Fabula / Les colloques, Voyages imaginaires et récits des autres mondes (XIXe-XXIe siècles), (disponible sur internet : )
– Besson A. (ed.), Dictionnaire de la fantasy, Vendémiaire, 2018.
– Besson F., Kikuchi C., Troadec C., « Les Moyen Âge de Game of Thrones », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 28, 2014, p. 479-507.
– Blanc W., « Game of Thrones. Au-delà du réel. » dans Mathieu Potte-Bonneville (dir.) Game of Thrones, série noire, Paris, Les Prairies Ordinaires, 2015, p. 57-71.
– Breton J., « Game of Thrones comme réécriture ponctuelle de The Sword in the Stone : enjeux et limites d’une intertextualité latente », 2015.
– Rolet S., « L’Antiquité dans Game of Thrones (HBO, 2011-) : une présence polysémique », dans F. Bièvre-Perrin et É. Pampanay (eds.), Antiquipop La référence à l’Antiquité dans la culture populaire contemporaine, volume Hors-Série, 2018 (publication des actes du colloque 26-28 mai 2016).

 

 

48. Intimités catholiques au XIXe siècle, avec Caroline Muller

L’invitée : Caroline Muller, maîtresse de conférences à l’Université de Rennes-2.

Le livre : Au plus près des âmes et des corps. Une histoire intime des catholiques au XIXe siècle, Paris, PUF, 362 p., 2019.

La discussion : la direction de conscience, une pratique sociale et religieuse qui se constitue au XIXe siècle ; une Église très préoccupée des « mauvaises lectures » ; la constitution d’un corpus de sources et ses difficultés, à travers notamment les fonds de l’Association pour l’autobiographie ; la façon de décrypter les correspondances formant le matériau de l’ouvrage, et les vertus de la lassitude dans la lecture des sources ; faire l’histoire du catholicisme en devant s’approprier de l’extérieur les codes et les vocabulaires de la religion ; le paradoxe d’une pratique religieuse qui ouvre des marges de liberté aux femmes qui y ont recours ; l’ancrage social de ce travail au sein des élites sociales ; des ressemblances avec la relation contemporaine à un « psy » ; la complexité des relations ainsi nouées entre ces hommes et ces femmes, et le cas de l’exubérante Marie Rakowska ; l’importance des arrangements matrimoniaux, et la place attribuée au mariage d’« amour » ; les problèmes de sexualité qui affleurent dans ces sources ; le comptage (des coïts, des masturbations…) comme instrument de l’écriture de soi ; les évolutions diachroniques décelables dans le corpus ; les choix d’écriture qui ont présidé à la thèse et au livre.

Les références citées dans le podcast :
– Loïc Artiaga, Des torrents de papier. Catholicisme et lectures populaires au xixe siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2007.
– Guillaume Cuchet, Faire de l’histoire religieuse dans une société sortie de la religion, Paris, Publications de la Sorbonne (« Itinéraires », 4), 2013.
– Isabelle Matamoros, Mais surtout, lisez !

Le conseil de lecture : Hélène Dumas, Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, 2014.

47. Pleurer dans l’antiquité romaine, avec Sarah Rey

L’invitée : Sarah Rey, maître de conférences en histoire antique à l’Université de Valenciennes.

Le livre : Les larmes de Rome. Le pouvoir de pleurer dans l’Antiquité, Paris, Anamosa, 2018.La discussion : l’origine du travail, dans une lecture continue de Tacite ; Le vocabulaire latin des larmes, très varié ; les difficultés méthodologiques pour accéder aux pleurs réels via des textes ; la faible figuration iconographique des larmes ; la figure de Cornelia, la mère des Gracques, capable de ne pas pleurer ; le deuil (funus) et l’impératif des pleurs ; des larmes inappropriées, comme celles de l’empereur Hadrien sur Antinoüs ; une législation sur les larmes ?; des larmes de Rome au miroir de celles des Grecs ; une « diplomatie des larmes » entre Rome et les autres peuples ; un idéal aristocratique de mesure des larmes ; une « transparence affective » réussie par Auguste ; l’art oratoire comme manière de déployer ou de susciter des larmes ; une mort romaine réussie, lorsque les larmes sont correctement retenues ; quelles évolutions diachroniques dans la façon de pleurer ?; la christianisation des larmes et des codes émotifs à la fin de l’antiquité.

Les conseils de lecture : Piroska Nagy, Le don des larmes au Moyen Age. Un instrument spirituel en quête d’institution, Ve-XIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 2000 ; Dominique Noguès, L’interruption, Paris, Flammarion, 2018.