46. L’histoire comme émancipation, avec Laurence De Cock, Mathilde Larrère et Guillaume Mazeau

Les invité-e-s : Laurence de Cock (professeure en lycée), Mathilde Larrère (MCF à l’Université Paris-Est-Marne-la-Vallée) et Guillaume Mazeau (MCF à l’Université Paris-I)

Le livre : L’histoire comme émancipation, Agone / Aggiornamento Histoire-géographie, 2019.
La discussion : le sens à donner au titre du livre, « l’histoire comme émancipation » (1:00) ; la défense d’une histoire qui peut être à la fois engagée et scientifique (4:30) ; la méthode historique qui peut elle-même être émancipatrice (6:20) ; ne pas substituer un « roman de gauche » au « roman national » (10:00) ; l’importance du travail historique pour faire exister les dominé-e-s ou « invisibilisé-e-s » de l’histoire (12:00) ; les années 1980 comme point de bascule d’une politisation de l’histoire, réactivant une histoire conservatrice (14:00) ; un exemple d’invisibilité récente : l’histoire des paysans (16:45) ; un contexte qui amène à chercher des façons d’opposer des propositions aux récits dominants ou simplificateurs (18:10) ; l’espace de la vulgarisation qu’il ne faut pas abandonner (19:30) ; l’impératif pédagogique, lié à l’émancipation, et qui ne va pourtant pas de soi dans le métier historien (24:30) ; un livre qui constitue à la fois un manifeste et l’exposition de propositions et de tâtonnements (26:20) ; le nécessité pour les historiennes et les historiens de « redistribuer » le capital culturel (28:40) ; pour cela, un travail qui peut se confronter à d’autres formes, comme le travail théâtral (30:50) ; un retour sur la polémique liée à la (fausse) disparition de Verdun dans les programmes scolaires (36:00) ; l’histoire comme mise à distance de soi-même, permettant aussi le désaccord et le débat (40:20).

Les précédentes émissions : sur l’enseignement de l’histoire, avec Laurence De Cock ; autour de 1848, avec Mathilde Larrère et Romain Duplan ; sur le dictionnaire “Maitron” avec Paul Boulland.

26. Alésia, de la controverse à la preuve, avec Vivien Barrière et Clément Salviani

Les invités : Vivien Barrière, maître de conférences en histoire et archéologie à l’Université de Cergy-Pontoise ; Clément Salviani, doctorant contractuel chargé de recherches à l’INHA

L’enjeu : opposant les troupes de Vercingétorix et de César, le siège d’Alésia en 52 avant notre ère est bien connu, l’histoire et l’archéologie ayant permis de le localiser précisément, à Alise Sainte-Reine (actuel département de la Côte-d’Or). Pourtant, des gens s’obstinent à soutenir des alter-Alesiae en d’autres lieux comme le Jura au mépris d’un consensus scientifique parfaitement établi. Cela pose la question plus large de la vérité en histoire.
La discussion : le contexte entourant la bataille et le siège d’Alésia, au sein de la guerre des Gaules racontée par César (1’50) ; l’engouement pour les Gaulois dans la France du XIX siècle dans un contexte d’intense intérêt pour le passé lié à la construction des États-nations (4’40) ; les premières fouilles sur le site d’Alésia (actuellement Alise-Sainte-Reine) sous le Second Empire avec une implication directe de Napoléon III (7’55) ; les techniques de fouille hier et aujourd’hui (10’35) ; les premières controverses sur la localisation d’Alésia, et la difficulté plus générale de localiser des sites mentionnés par des auteurs de l’antiquité (11’45) ; le parcours d’André Berthier, le personnage singulier qui fut le principal tenant d’une Alésia située dans le Jura (15’05) ; l’idée selon laquelle le site (réel) d’Alise serait indigne d’un personnage de Vercingétorix (19’20) ; l’erreur de lecture du texte de César sur lequel repose l’erreur de localisation (20’00) ; les caractéristiques du site alternatif de Chaux-des-Crotenay dans le Jura, et la définition d’un oppidum (21’25) ; la stratégie de Vercingétorix à replacer dans les conditions du monde gaulois du premier siècle avant notre ère, et de l’opposition formidable donnée par César (27’00) ; les renouvellements apportés par les fouilles menées dans les années 1990 sur le site d’Alise Sainte-Reine (30’10) ; un récapitulatif de tous les éléments (textes, armes, monnaies, vestiges, inscriptions…) attestant la localisation d’Alésia et ne faisant sens que dans ce cadre (31’55) ; les erreurs des défenseurs d’une autre Alésia, venant d’un rapport à la fois littéral et hyper-critique aux textes antiques (35’40) ; l’économie du texte de César, qui n’écrit pas un guide topographique d’Alésia mais construit un récit à destination de l’aristocratie romaine (39’10) ; le refus pour certain-e-s d’admettre le consensus scientifique sur Alésia, et le rapport compliqué à la vérité que cela révèle, proche du complotisme (43’20) ; Wikipedia comme lieu où cette question est discutée (46’50) ; la différence entre critique des sources et hypercritique infondée (51’40) ; si une autre Alésia existait, on l’aurait trouvée (53’30) ; le paradoxe qui veut qu’autant de lieux revendiquent d’être le site d’une défaite (55’15).

Les conseils de lecture et références pour aller plus loin :

Manifeste des archéologues contre les confusions sur la localisation d’Alésia (2016)
–  Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois, Paris, Seuil, “Points”, 2015.
– Christian Goudineau, Le dossier Vercingétorix, Paris, Actes Sud – Errance, 2001.
– Michel Reddé, Alésia. L’archéologie face à l’imaginaire, Paris, Errance, 2e éd., 2012.

24. Indo-européens et archéologie, avec Jean-Paul Demoule

(voir le premier volet de la discussion)

L’invité : Jean-Paul Demoule, professeur émérite de protohistoire européenne à l’Université de Paris I-Panthéon Sorbonne.

Les livres :
Mais où sont passés les Indo-européens ? Le mythe d’origine de l’occident, Paris, Seuil, 2014
L’archéologie, une histoire des civilisations (dir., avec Alain Schnapp et Dominique Garcia), Paris, La découverte / Inrap, 2018
La discussion : une vocation et un parcours d’archéologue (0’35) la naissance de l’INRAP et les nouvelles techniques de fouille avec pelles mécaniques (4’30), le livre sur les Indo-européens et ses origines (6’40), les errements de la discipline archéologique à l’époque de Gustav Kossina (12’10), les vives discussions suscitées par le livre notamment chez les linguistes, et l’état des débats (14’45), un état des connaissances archéologiques dans le livre Une histoire des civilisations (19’30), une prise en compte de différentes aires de civilisation (21’05), l’intégration de renouvellements récents, quant aux origines (et à la variété) de l’espèce humaine (22’30), ce qu’il faut faire pour devenir archéologue (25’00).

Le conseil de lecture : James C. Scott, Zomia ou l’art de ne pas être gouverné, Paris, Seuil, 2013 ; Against the grain. A deep history of the earliest states, Yale University Press, 2017.

11. Autour de Gérard Noiriel, avec Nicolas Offenstadt

L’invité : Nicolas Offenstadt, maître de conférences HDR à l’université Paris-I

L’événement : colloque autour de Gérard Noiriel, à l’EHESS, jeudi 14 et vendredi 15 juin 2018

La discussion : une présentation du colloque et de l’importance de Gérard Noiriel (0’30), les constantes dans l’œuvre de Gérard Noiriel, dont un éloge de son écriture claire et réflexive (3’), de sa réflexion sur la construction des objets (5’40), ses premiers travaux sur les ouvriers de Longwy (6’45), le lien entre histoire des ouvriers, histoire de l’immigration (8’), ouvrant la voie à une histoire de l’État, de l’identification, des catégorisations (10’20), ses apports à une histoire constructiviste de la nation (12’20), le lien noué avec la sociologie et la mise en avant de la socio-histoire (13’), appuyée sur une réflexion historiographique (Sur la « crise » de l’histoire, 1996)  suivie de la création de lieux institutionnels pour avancer ces conceptions : une collection de livres chez Belin et une revue, Genèses (15’50), le dialogue intellectuel et la confrontation critique avec des traditions intellectuelles variées, de Marx à Bourdieu et Elias (20’50), la réflexion de Gérard Noiriel sur les intellectuels et les différentes modalités (militantes, critiques, pédagogiques) du rôle qu’il joue lui-même dans l’espace public (22’), ses formes d’intervention originales : le CVUH fondé en 2005 (28’) ainsi que son travail théâtral, à travers notamment l’histoire du clown Chocolat (33’).

Les conseils de lecture : tous les livres de Gérard Noiriel dans l’ordre ou dans le désordre !

Les autres références citées dans le podcast :
-Revue Genèses
-Christian Topalov, Naissance du chômeur 1880-1910, Paris Albin Michel, 1994
-Ingrid Hayes, Radio Lorraine cœur d’acier, 1979-1980. Les voix de la crise, Paris, Presses de Sciences Po, 2018 (à paraître le 15 juin)

5. Sur l’enseignement de l’histoire, avec Laurence de Cock

L’invitée : Laurence de Cock, qui enseigne en lycée et à l’université Paris-Diderot ; elle est la fondatrice du collectif aggiornamento histoire-géo qui travaille à repenser l’enseignement de l’histoire et de la géographie.

Le livre : Laurence de Cock, Sur l’enseignement de l’histoire, Paris, Libertalia, 2018, 329 p., 17€.

La discussion : présentation de l’ouvrage ; la figure souvent caricaturée d’Ernest Lavisse et son originalité comme savant et pédagogue (à 3 minutes environ), la difficulté (et la nécessité) d’ouvrir la porte de la salle de classe pour étudier les pratiques scolaires  et pas seulement les programmes ou les manuels (5 min.), le renouvellement des questionnements autour de l’enseignement de l’histoire après la Première Guerre mondiale, en lien notamment avec la naissance (1929) de la revue Annales d’histoire économique et sociale de Lucien Febvre et Marc Bloch (9 min.), le contexte particulier des années 1960-1970 où fourmillent les projets (13 min.), l’inertie des pratiques ordinaires pour beaucoup de profs loin des avant-gardes pédagogiques (16 min.) le tournant du début des années 1980 et les cris d’alarme d’Alain Decaux sur l’enseignement de l’histoire (18 min.), la difficulté de l’histoire scolaire et de sa finalité intellectuelle dans un contexte où l’immigration et sa vision « culturaliste » polarise les débats (20 min.), la question du jugement dans l’histoire et dans la salle de classe (23 min.), comment faire une scolaire émancipée et émancipatrice sans substituer un « roman de gauche » au « roman national » (26 min.), le carcan horaire des programmes (28 min.), et enfin les bonnes raisons de devenir prof d’histoire (30 min.).

Les références citées dans le podcast :

  • Suzanne Citron, Le mythe national. L’histoire de France revisitée, Paris, éditions de l’Atelier, 2008.
  • Annie Bruter, « Un laboratoire de la pédagogie de l’histoire. L’histoire sainte à l’école primaire (1833-1882) », Revue de l’histoire de l’éducation, n° 114, 2007.
  • Evelyne Héry, Un siècle de leçons d’histoire. L’histoire enseignée au lycée 1870-1970, Rennes, PUR, 1999.
  • Olivier Loubes, « “L’incommode image exacte” du Petit Lavisse. Brève histoire régressive des écritures scolaires du récit national (2013-1913) », in Etienne Bourdon et al., Lavisse : le roman national comme patrimoine scolaire, Éditions de l’œil, 2016.
  • Antoine Prost, Histoire de l’enseignement et de l’éducation depuis les années 1930, Perrin, 2004.

Le conseil de lecture : Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France, Marseille, Agone, à paraître en septembre 2018.