14. La torture dans la justice médiévale, avec Faustine Harang

 L’invitée : Faustine Harang, docteure en histoire, enseignante en lycée

Le livre : La torture au Moyen âge. Parlement de Paris, XIVe-XVe siècles, Paris, PUF, coll. « Le nœud gordien », 2017La discussion : présentation du livre (1’), la difficulté de trouver la torture dans les sources judiciaires de la fin du Moyen âge (2’30), le vocabulaire médiéval de la torture et la notion de « question » (6’15), les fondements juridiques de la torture en droit romain (7’30), contrairement aux idées reçues, la torture normée et mesurée (9’20), la difficile quantification des cas de torture et les ordres de grandeur numériques plausibles (11’20), l’évolution des pratiques judiciaires et les rapports plus complexes qu’il n’y paraît entre ordalie/jugement de Dieu et torture (14’), le parallèle entre torture et confession qui se met en place à partir du XIIIe siècle (16’10), la torture et les conceptions médiévales de la douleur, du corps souffrant, de l’âme (18’55), l’identité de ceux qui subissent la torture : marginaux, mal famés ? (20’10),  la torture comme instrument de la raison d’État, visible dans les grands procès du XIVe siècle (21’45), les doutes des juges médiévaux devant l’efficacité de la torture, et le développement de leur « intime conviction » (23’20), la centralité de l’aveu dans les procédures judiciaires françaises, un héritage médiéval ? (26’35), la difficulté, du point de vue de l’écriture historique, de travailler sur un objet impliquant violences et souffrances (27’35), les remises en question de la torture à l’époque moderne (28’40), la réflexion sur l’histoire médiévale nourrie par l’histoire contemporaine, celle de la torture en guerre d’Algérie notamment (29’50).

Les références citées dans le podcast :
Émission de la Fabrique de l’histoire sur la justice médiévale
-Claude Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et Société en France à la fin du Moyen Age, Paris, Publications de la Sorbonne, 1991
– Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2e éd., 2016 [2001].

Le conseil de lecture : Henri Alleg, La question, Paris, Éditions de minuit, 1958

9. L’Épuration (1940 à nos jours), avec Fabrice Virgili

L’invité: Fabrice Virgili, directeur de recherche au CNRS

Le livre : François Rouquet et Fabrice Virgili, Les Françaises, les Français et l’épuration. De 1940 à nos jours, Paris, Gallimard, « Folio histoire », 840 p.

Lire le compte-rendu

La discussion : une histoire de l’Épuration mûrie depuis longtemps, qui vient de loin, pour les deux auteurs (2’), un questionnement relié à celui des politistes sur la « justice transitionnelle » et les changements de régime (3’15), le cadre temporel élargi du livre puisqu’on pense à l’Épuration bien avant 1944, dans la clandestinité (4’30), l’Empire colonial comme laboratoire (5’50), l’intégration de cette histoire dans un cadre européen, intégrant aussi les jugements de criminels de guerre dans la zone d’occupation française en Allemagne, et un regard comparatif sur l’espace européen (7’40) l’absence de « guerre civile » franco-française (12’25), la définition parfois ambiguë des « traîtres » à punir (13’), l’expression « épuration sauvage », ses origines, son inadaptation pour décrire la période (15’45), la question du « règlement de comptes » dans l’Épuration, (18’35), la variété géographique des modalités de l’Épuration (19’50), l’importance des enjeux économiques (ravitaillement, marché noir…, 21’40), le rythme du châtiment et des procès, que certains trouvent trop lent, faisant justice eux-mêmes, attaquant des prisons, dans un contexte de fin de guerre (24’), les sources et méthodes pour approcher l’opinion et ses réactions, dans la foulée des travaux de Pierre Laborie (26’55), l’Épuration dans l’Église et ses limites (29’), le bouleversement qui ralentit l’épuration au début de la guerre froide (30’30), un regard sur la présence récente de Charles Maurras, condamné en 1945, au sein de la liste des commémorations nationales (33’45), les échos mémoriels contemporains de l’Épuration (35’45).

Les références citées dans le podcast :
-Peter Novick, L’épuration française, 1944-1949, Paris, Balland, 1985 [1968]
-Robert Paxton, La France de Vichy : 1940-1944, Paris, Seuil, 1973
-Philippe Bourdrel, L’épuration sauvage, Paris, Perrin, 1988
-Jean Dutourd, Au bon beurre, ou dix ans de la vie d’un crémier, Paris, Gallimard, 1952.
-Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy : les Français et la crise d’identité nationale, 1936-1944, Paris, Seuil, 2e éd., 2001.

Le conseil de lecture :
Les polars suédois de Maj Sjöwall et Per Wahlöö

3. Enfance et adolescence en guerre, avec Manon Pignot

L’invitée : Manon Pignot, ancienne élève de l’ENS (Fontenay-Saint-Cloud), agrégée d’histoire, maîtresse de conférences à l’université de Picardie-Jules Verne.

Les parutions :
Déflagrations, sous la direction de Zérane S. Girardeau, Paris, Anamosa, 2017.
« “Les enfants ne vont pas au front” : les combattants juvéniles de la Grande Guerre », Le Mouvement Social, dossier : Engagements adolescents en guerres mondiales, n°261, oct-nov. 2017.
La discussion : la force expressive des dessins d’enfants en guerre (à 3 minutes environ), l’archivage des dessins d’enfants et l’intérêt que leur ont porté pédagogues et historiens (8’), l’intérêt du dessin pour échapper aux déterminismes sociaux liés à la maîtrise de l’écriture, mais la difficulté à le contextualiser (10’45), les différences et les ressemblances entre dessins suivant les contextes de guerre (11’45), le caractère plus marquant des dessins d’enfants plus jeunes (14’45). Puis la Première Guerre mondiale, avec les quelques adolescents qui cherchent à rejoindre le front pour combattre (17′),  les causes multiples de leurs engagements souvent contrecarrés par les autorités (18′), l’inscription de ces phénomènes dans le temps long de la scolarisation et de la structuration du sentiment national (21′), les mélange d’inquiétude et de fierté des contemporains devant ces velléités guerrières (23′), leur mémoire ambiguë (26′), les éclairages de cette histoire au regard des “enfants-soldats” et des tentations guerrières pour certains adolescents aujourd’hui (28′)

Parmi les dessins évoqués dans le podcast :
Dessin de Beata, 8 ans, enfant rwandaise au centre pour enfants orphelins ou séparés de Ndera, 1997 (p.103)

Dessin d’un enfant tchadien dans un camp de personnes déplacées par la guerre du Darfour, 2007 (détail, p. 189)

Dessin d’un enfant dans la guerre d’Espagne, 1937 (p.208)

Photo d’un des adolescents-soldats évoqués dans l’article (Imperial War Museum Q11105)

Le conseil de lecture : Anna Hope, Le chagrin des vivants (2016) et La salle de bal (2018).

2. Les socialistes dans l’Algérie coloniale, avec Claire Marynower

L’invitée: Claire Marynower, agrégée d’histoire et maîtresse de conférences à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Ses travaux de recherche portent sur l’histoire du Maghreb à l’époque coloniale.

Le livre : L’Algérie à gauche 1900-1962, PUF, 2018.
La discussion : le choix de travailler sur l’Algérie coloniale (à 2 minutes environ), l’objet du livre: les socialistes en Algérie, des colonisateurs de “bonne volonté” selon l’expression d’un acteur de l’époque (3’30)  les particularités de la région d’Oran, terrain de l’enquête (6′), les types de sources utilisées, en l’absence des archives locales du parti (8′), la démarche prosopographique (10’30), le portrait plus nuancé qu’on ne l’écrit habituellement des militants du parti (13′), les violences qui émaillent la vie politique dans l’Algérie de l’entre-deux-guerres (15’45), l’importance de la guerre d’Espagne dans la vie d’Oran toute proche et peuplée d’une forte communauté d’immigrés espagnols (17’30), le projet de Réforme Blum-Viollette en 1936 et l’enthousiasme qu’il suscite du côté algérien (20′), les possibilités de rencontre au sein de la S.F.I.O. entre Français et Algériens ainsi que leurs limites (23′), les difficultés croissantes des socialistes face à l’irruption du nationalisme algérien dans les années 1940 et 1950, autour des émeutes et violences de Sétif et Guelma (1945) en particulier (25’20), l’importance du livre pour réfuter les tendances nostalgiques qui mythifient “l’effort colonial” de la France en Algérie (29’40).

Les références citées dans le podcast :
– Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, coll. “Folio histoire”, 2e éd., 2016 [2001].
– Albert Memmi, Portrait du colonisé, précédé de Portrait du colonisateur, Paris, Buchet/Chastel, 1957.
– Célia Keren, « Négocier l’aide humanitaire : les évacuations d’enfants espagnols vers la France pendant la guerre civile (1936-1939) », Revue d’Histoire de l’Enfance Irrégulière, n°14, dossier « Enfances (dé)placées », 2013, p. 167-183.
– Jean-Pierre Peyroulou, Guelma,1945. Une subversion coloniale dans l’Algérie française, Paris, La découverte; coll. “Textes à l’appui”, 2009.

Le conseil de lecture final : Marceline Loridan-Ivens, L’amour après, Paris, Grasset, 2018.

1. Autour de mai 68, avec Ludivine Bantigny

L’invitée : Ludivine Bantigny, maîtresse de conférences à l’université de Rouen-Normandie

Le livre : 1968, De grands soirs en petits matins (Seuil, 2018).  Lire la recension.

La discussion : les bornes chronologiques de l’événement « 68 » (à 3 minutes d’entretien environ), la violence des manifestations et de la répression menant aux « morts oubliés » de juin 1968 (6 min.),l’importance pour l’historienne de restituer la dimension matérielle et concrète de l’événement (10 min), le rapport au passé (le Front Populaire, la Commune…) en mai-juin 1968 (15 min.), l’internationalisme pensé et vécu par les acteurs du mouvement (18 min.), le rapport aux sources et le travail en archives sur les fiches établies par la police (22 min.), la mémoire spécifique de la guerre d’Algérie et la présence (ou non) de « Charonne » et du 17 octobre 1961 dans les esprits en 1968 (25 min.), les rapports hommes-femmes, la difficile prise de parole féminine, et la question de la sexualité (27 min.), une histoire contrefactuelle de mai-juin 1968 : comment les choses auraient-elles pu tourner autrement, basculer ? Quel rôle pour la CGT en particulier ? (32 min.), quels acquis sociaux, alors que l’inflation rend éphémères les gains salariaux, et qu’à l’échelle locale les rapports de force sont souvent défavorables aux grévistes après « mai » ? (38 min.), que font les historiennes et les historiens en mai 68 ? (40 min.).

Le conseil de lecture final : Julie Pagis, Un pavé dans leur histoire, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Sociétés en mouvement », 2014.