59. Revisiter la IIIe République, avec Mathieu Marly

L’invité: Mathieu Marly, chercheur post-doctoral et secrétaire du LabEx EHNE.

Le thème : le projet républicain 1870-1914 (nouveaux programmes de Première)

La discussion:

  • Une histoire prise dans des « fantasmes nostalgiques »
  • La nuance entre « modèle » et « projet » républicain
  • La tension propre à la IIIe République, entre défense de l’ordre, et défense des libertés
  • Ne pas idéaliser l’acte de vote sous la IIIe République
  • La dimension militaire du régime, qui participe de son modèle genré
  • Une sociabilité politique favorisée par la loi sur les débits de boisson de 1880
  • Les meetings politiques (extrait de la chanson de Mac-Nab, « Le grand métingue du métropolitain », par Marc Ogeret)
  • Un système scolaire à la fois universel et inégalitaire, révélateur des contradictions d’un « habitus national » méritocratique
  • Une histoire de l’échec scolaire qui reste à faire sous la IIIe République
  • Une sphère politique qui reste peu ouverte socialement
  • L’armée comme outil pour discipliner le corps social, à travers notamment ses bagnes coloniaux
  • La loi de 1905 comme révélateur non seulement du conflit religieux mais aussi de formes d’accommodement entre les catholiques et la République
  • L’inscription physique et symbolique de la République dans l’espace, et à travers des cérémonies et rituels
  • Un commentaire de deux documents du début des années 1880 (tableaux d’Alfred Roll et Edouard Detaille, p. 176-177 du manuel Nathan / S. Cote 1e)
  • Le lien entre République et patriotisme
  • L’efficacité du projet républicain visible lors de la mobilisation de 1914

Les références citées dans le podcast :

– Jean-François Chanet, L’École républicaine et les petites patries, préface de Mona Ozouf, Paris, Aubier, 1996
– Christophe Charle, Les élites de la République, 1880-1900, Paris, Fayard, 1987.
– Christophe Charle, La Crise des sociétés impériales. Allemagne, France, Grande-Bretagne (1900-1940). Essai d’histoire sociale comparée, Paris, Seuil, 2001.
– Paula Cossart, Le meeting politique. De la délibération à la manifestation (1868-1939), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.
– Alain Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel en France (1848-2000), Paris, Seuil, 2002.
– Dominique Kalifa, Biribi. Les bagnes coloniaux de l’armée française, Paris, Perrin, 2009.
– Nicolas Mariot, Bains de foule. Les voyages présidentiels en province, 1888-2002, Belin, coll. « socio-histoires », 2006
– Mathieu Marly, Distinguer et Soumettre. Une histoire sociale de l’armée française (1872-1914), à paraître aux Presses Universitaires de Rennes en août 2019.

Le conseil de lecture :
– Nicolas Mariot, Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple, Éd. du Seuil, coll. « L’Univers historique », 2013.

 

58. L’iconoclasme politique au XIXe siècle, avec Emmanuel Fureix

L’invité : Emmanuel Fureix, maître de conférences à l’Université Paris-est Créteil

Le livre : L’œil blessé. Politiques de l’iconoclasme après la Révolution française, Champ Vallon 2019.

La discussion :

  • Le titre du livre : de qui l’œil est-il blessé, et par quoi ?
  • Les signes visés par l’iconoclasme politique, et les types d’opérations qui les entourent
  • Une inquiétude envers les signes politiques, qui produit des sources administratives et judiciaires en particulier
  • Des témoignages, qui n’émanent que peu des hommes politiques, qui jugent tout cela dérisoire
  • L’iconoclasme, trace d’autres formes de politisation, et de conceptions de la citoyenneté, que celle qui passe par le vote
  • Une pratique iconoclaste qui ne s’explique pas seulement par des éléments sociologiques (couches populaires vs. élites)
  • La monnaie, où s’inscrit la souveraineté, visée par l’iconoclasme
  • L’imaginaire du régicide visant les Bourbons
  • Les fleurs et leur gamme chromatique indiquant des appartenances politiques
  • La croyance en une puissance performative des signes et des gestes qui les visent
  • La tension entre gestes iconoclastes et sacralisation du patrimoine et de la propriété au XIXe siècle
  • Un iconoclasme chirurgical à lier à la notion d’« iconoclash » (Bruno Latour)
  • Un iconoclasme entre spontanéité et le calcul
  • Le contexte particulièrement troublé des années 1814-1816, et la virulence iconoclaste de la seconde Restauration
  • Un usage paradoxal et risqué de l’iconoclasme du côté des Bourbons et de leurs partisans
  • Une autre dimension de ces conflits autour des signes : le défi masculin dans l’espace public
  • La « recharge iconoclaste » de février 1831
  • Quels sens donner à la scène célèbre du « sac  des Tuileries » en  février 1848 ?
  • Le surprenant iconoclasme de la République conservatrice de 1849-1851
  • Un moment d’iconoclasme un peu oublié : la chute du Second Empire en septembre 1870
  • Le rapport entre Paris et province et les moments de diffusion des nouvelles parisiennes à l’origine de pratiques iconoclastes
  • La violence iconoclaste, substitut à la violence physique ?
  • Une efficacité des gestes iconoclastes qui semble décroître dans le dernier tiers du XIXe siècle
  • La faible circulation internationale de l’iconoclasme, à la différence de la barricade.
  • Les résurgences de l’iconoclasme dans les sociétés contemporaines

Les conseils de lecture :
– Alain Corbin, Le village des cannibales, Paris, Aubier, 1990.
– Emmanuel Fureix, Le siècle des possibles (1814-1914), Paris, PUF, 2014.

56. Quelle histoire dans les manuels scolaires? avec Sébastien Cote, Carole Greffrath et Emmanuelle Picard

Les invité-e-s : Sébastien Cote, professeur en CPGE et directeur de collection de manuels scolaires ; Carole Greffrath, éditrice chez Nathan ; Emmanuelle Picard, maîtresse de conférences à l’ENS de Lyon

Les livres : S. Cote et E. Picard (dir.), Regards historiques sur les grandes étapes de la formation du monde moderne ; Regards historiques sur Nations empires et nationalités de 1789 aux lendemains de la Première Guerre mondiale (Nathan, à paraître en 2019)

La discussion :

  • L’origine du projet de livre d’accompagnement historiographique aux programmes scolaires dirigé par S. Cote et E. Picard (2:10)
  • L’accès plus facile aujourd’hui aux renouvellements grâce à des ressources électroniques (4:30)
  • Comment relire de façon novatrice des programmes d’apparence très classiques ? (6:35)
  • Peut-on faire des manuels et rester critique envers les réformes et les choix ou le fonctionnement de l’institution scolaire ? (9:35)
  • Les rapports entre monde universitaire et histoire enseignée dans le secondaire, avec des liens transformés et en partie à renouer (12:15)
  • Les enjeux civiques de l’histoire scolaire : usages publics de l’histoire, rapport à la vérité, place de la méthode historique (17:55)
  • Les usages multiples et parfois contradictoires des manuels, transformés encore par le passage au numérique, non sans poser problème (20:30)
  • La distinction à faire entre programmes, manuels, et contenus des cours d’histoire, source de polémiques artificielles (« Verdun ne sera plus enseigné ! ») (25:50)
  • La place des « points de passage et d’ouverture » et la lourdeur des programmes (30:50)
  • La méthode historique et les sources à placer au cœur de la pédagogie ? (36:00)
  • Les contraintes d’écriture et de fabrication d’un manuel (45:25)
  • Comment sont choisis les auteurs ? Quel rôle pour le directeur ? (52’50)
  • La prise en compte des troubles « dys » dans les manuels (56’40)
  • Est-ce que certaines situations d’apprentissage sont testées avant d’être dans les manuels ? (57’50)
  • Les différents métiers (cartographe, iconographe…) impliqués dans la fabrication d’un manuel (1:00:40)
  • Comment rappeler dans un manuel que les femmes sont actrices de l’histoire ? (1:02:25)

55. Páscoa et son procès : une esclave entre Afrique et Brésil au XVIIe siècle, avec Charlotte de Castelnau-L’Estoile

L’invitée : Charlotte de Castelnau-L’Estoile, professeure d’histoire moderne à l’université Paris-Diderot

Le livre : Páscoa et ses deux maris. Une esclave entre Angola, Brésil et Portugal, Paris, PUF, 2019.

La discussion :

  • La vie et la condamnation pour bigamie d’une esclave (1:00), avec sa marge de liberté (“agency”)
  • Un cas trouvé dans les sources inquisitoriales (3:15)
  • L’inquisition portugaise, machine implacable et minutieuse (5:35)
  • Les regards critiques portés par les voyageurs étrangers à l’époque moderne sur la société brésilienne, remarquant la prégnance d’une religiosité baroque et de l’esclavagisme (9:15)
  • La structure de l’empire portugais entre Europe, Afrique et Brésil (10:35)
  • Les spécificités de l’esclavage en Angola, et ce qu’on peut savoir du statut de Páscoa (13:45)
  • L’Angola, dans un entre-deux linguistique et culturel (19:50)
  • La bigamie comme véritable « crime de l’empire » du fait des circulations dans cet espace (22:20)
  • Pourquoi l’Église et l’Inquisition accordent-elles tant d’importance au mariage des esclaves ? (23:35)
  • Les actions et réactions de Páscoa qui fait face à la procédure dirigée contre elle : contre-enquête, réactivation de réseaux, capacité à bâtir une défense et une argumentation (26’35)
  • La contradiction entre conception économique de l’esclavage (comme chose) et le mariage des esclaves (sacrement indissoluble) (28:40)
  • La fin de cette histoire avec le retour de Páscoa au Brésil, et dans sa condition d’esclave (30:35)
  • Les enjeux éthiques et méthodologiques qu’implique l’écriture de cette histoire (33:15)

Les conseils de lecture :
– Le “roman documentaire” de Thorkild Hansen en trois volumes, dont deux traduits (Actes sud): La Côte des esclaves (1990), Les bateaux négriers (1996).
– Gisli Palsson, L’homme qui vola sa liberté. Odyssée d’un esclave, Gaïa éditions, 2018.

 

52. L’esclavage médiéval, avec Sandrine Victor

L’invitée : Sandrine Victor, maître de conférences à l’institut universitaire d’Albi

Le livre : Les fils de Canaan. L’esclavage au Moyen âge, Paris, Vendémiaire, 2019.

La discussion :
Sur l’esclavage médiéval – l’origine du livre et la curiosité pour la présence des esclaves sur les chantiers médiévaux ; la présence parfois effacée de l’esclavage dans l’historiographie ; les grands débats portant sur le Moyen âge comme sortie de l’antiquité esclavagiste ; l’ambiguïté fondamentale du vocabulaire médiéval de l’esclavage et les difficultés qu’il pose aux historien·ne·s ; la phase initiale du Haut moyen âge où les codes barbares attestent le maintien de l’esclavage ; une définition de l’esclavage et les distinctions à faire avec le servage, en particulier de provenance géographique ; la distinction entre société esclavagiste et société à esclaves ; la difficile quantification de la part des esclaves ; le regard porté sur la Méditerranée médiévale, central pour le dossier de l’esclavage, et la géographie du trafic avec ses plaques tournantes (Verdun, Gênes…) ; les continuités entre esclavage médiéval et traite moderne se développant au XVIe siècle ; la place des esclaves dans la vie économique, en ville en particulier ; les justifications données à l’esclavage, sur le plan religieux notamment ; les possibilités d’affranchissement, limitées par un stigmate persistant ; la rareté des révoltes serviles.

Sur l’incendie de Notre-Dame – le choc provoqué par l’incendie ; les possibilités qu’il offre pour renouveler les connaissances ; la nécessité de prendre le temps de l’étude, de la réflexion et du débat pour savoir que qui pourra / devra être reconstruit.

Les conseils de lecture :
-Olivier Grenouilleau, Qu’est-ce que l’esclavage? Une histoire globale, Paris, Gallimard, 2014.
-Fabienne Guillen, Salah Trabelsi (dir.), Les esclavages en Méditerranée. Espaces et dynamiques économiques, Madrid, Casa de Velazquez, 2012.
-Philippe Bernardi, Bâtir au Moyen âge, Paris, CNRS éditions, 2011.

50. Sport et création artistique à l’époque soviétique, avec Julie Deschepper et Sylvain Dufraisse

Les invités : Julie Deschepper, doctorante à l’Inalco ; Sylvain Dufraisse, maître de conférences à l’Université de Nantes

L’exposition et le livre:

“Rouge. L’art au pays des soviets” (Grand Palais, jusqu’au 22juillet 2019)

Les héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930 – années 1980), Champ Vallon, 2019.

La discussion : pourquoi il faut voir l’exposition « Rouge », d’une grande richesse en termes d’œuvres exposées, et de variété de formes artistiques (1’) ; un art qui ne se réduit pas à ses dimensions officielles ou « totalitaires » (3’) ; parmi ces œuvres, celles consacrées aux corps, allant de la biomécanique de Meyerhold à la promotion de la vigueur physique (5’) ; d’autres qui illustrent la violence stalinienne (7’10) ; la césure muséographique entre 1er niveau de l’exposition (années 1920) et second niveau (années 1930) à interroger (8’50) ; la complexité des années 1930 avec l’ouverture aux loisirs « modernes » comme le parachutisme (10’15) ; le concept moins simple qu’il n’y paraît de « réalisme socialiste » (13’40) ; certaines continuités entre les années 1920 et 1930 en matière de figuration et de représentation (18’40) ; l’accent bienvenu mis sur l’architecture et l’espace public dans l’exposition (21’) ; les reconfigurations de la ville socialiste dans un contexte de pénuries de logements (24’) ; les artistes et sportifs comme « promus » (Nicolas Werth) dans la société soviétique (27’15) ; le concept de kultur’nost ou de « civilisation » soviétique ; les contradictions du sport de compétition dans une société collectiviste (30’) ; la nécessité d’éviter une lecture trop monolithique du régime soviétique, pour comprendre les discussions ou compétitions entre organes (34’35) ; la façon dont l’URSS se construit au contact de l’étranger et de l’Ouest (avec le fait de quitter ou de rejoindre les fédérations sportives « bourgeoises » ou le CIO) (41’30) ; l’URSS qui attire des sportifs « marginaux » comme Jules Ladoumègue dans les années 1930 (43’) ; les problèmes que posent les voyages des sportifs soviétiques à l’étranger (46’) ; un retour critique sur l’idée de « stagnation » à l’ère brejnevienne (51’10), les conseils de lecture.

Les références citées dans l’émission :

« Rouge ! L’art au pays des soviets », documentaire d’Arte (A. Minard)
– Michael David-Fox, Showcasing the Great Experiment. Cultural Diplomacy and Western Visitors to the Soviet Union, 1921‑1941, Oxford University Press, 2012.
– Sabine Dullin, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940), Paris, Éditions de l’EHESS, 2014.
– Marc Elie et Isabelle Ohayon, « L’expérience soviétique à son apogée », Cahiers du monde russe, 54/1-2, 2013.
– Emila Koustova, « Les fêtes révolutionnaires russes entre 1917 et 1920. Des pratiques multiples et une matrice commune », Cahiers du monde russe, 47/4, 2006.
– Cécile Pichon-Bonin, Peinture et politique en URSS : l’itinéraire des membres de la Société des artistes de chevalet (1917-1941), Dijon, Les Presses du réel, 2013.
– Travaux de Valérie Pozner sur le cinéma

Les conseils de lecture :

– Ilf et Petrov, Le veau d’or
– Gianni Haver, Jean-François Fayet, Valérie Gorin, Emilia Koustova (dir.), Le spectacle de la Révolution. La culture visuelle des commémorations d’Octobre, Lausanne, Antipodes, coll. « Univers visuels », 2017
– Sheila Fitzpatrick, Le stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30, Paris, Flammarion, 2002.

48. Intimités catholiques au XIXe siècle, avec Caroline Muller

L’invitée : Caroline Muller, maîtresse de conférences à l’Université de Rennes-2.

Le livre : Au plus près des âmes et des corps. Une histoire intime des catholiques au XIXe siècle, Paris, PUF, 362 p., 2019.

La discussion : la direction de conscience, une pratique sociale et religieuse qui se constitue au XIXe siècle ; une Église très préoccupée des « mauvaises lectures » ; la constitution d’un corpus de sources et ses difficultés, à travers notamment les fonds de l’Association pour l’autobiographie ; la façon de décrypter les correspondances formant le matériau de l’ouvrage, et les vertus de la lassitude dans la lecture des sources ; faire l’histoire du catholicisme en devant s’approprier de l’extérieur les codes et les vocabulaires de la religion ; le paradoxe d’une pratique religieuse qui ouvre des marges de liberté aux femmes qui y ont recours ; l’ancrage social de ce travail au sein des élites sociales ; des ressemblances avec la relation contemporaine à un « psy » ; la complexité des relations ainsi nouées entre ces hommes et ces femmes, et le cas de l’exubérante Marie Rakowska ; l’importance des arrangements matrimoniaux, et la place attribuée au mariage d’« amour » ; les problèmes de sexualité qui affleurent dans ces sources ; le comptage (des coïts, des masturbations…) comme instrument de l’écriture de soi ; les évolutions diachroniques décelables dans le corpus ; les choix d’écriture qui ont présidé à la thèse et au livre.

Les références citées dans le podcast :
– Loïc Artiaga, Des torrents de papier. Catholicisme et lectures populaires au xixe siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2007.
– Guillaume Cuchet, Faire de l’histoire religieuse dans une société sortie de la religion, Paris, Publications de la Sorbonne (« Itinéraires », 4), 2013.
– Isabelle Matamoros, Mais surtout, lisez !

Le conseil de lecture : Hélène Dumas, Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, 2014.

47. Pleurer dans l’antiquité romaine, avec Sarah Rey

L’invitée : Sarah Rey, maître de conférences en histoire antique à l’Université de Valenciennes.

Le livre : Les larmes de Rome. Le pouvoir de pleurer dans l’Antiquité, Paris, Anamosa, 2018.La discussion : l’origine du travail, dans une lecture continue de Tacite ; Le vocabulaire latin des larmes, très varié ; les difficultés méthodologiques pour accéder aux pleurs réels via des textes ; la faible figuration iconographique des larmes ; la figure de Cornelia, la mère des Gracques, capable de ne pas pleurer ; le deuil (funus) et l’impératif des pleurs ; des larmes inappropriées, comme celles de l’empereur Hadrien sur Antinoüs ; une législation sur les larmes ?; des larmes de Rome au miroir de celles des Grecs ; une « diplomatie des larmes » entre Rome et les autres peuples ; un idéal aristocratique de mesure des larmes ; une « transparence affective » réussie par Auguste ; l’art oratoire comme manière de déployer ou de susciter des larmes ; une mort romaine réussie, lorsque les larmes sont correctement retenues ; quelles évolutions diachroniques dans la façon de pleurer ?; la christianisation des larmes et des codes émotifs à la fin de l’antiquité.

Les conseils de lecture : Piroska Nagy, Le don des larmes au Moyen Age. Un instrument spirituel en quête d’institution, Ve-XIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 2000 ; Dominique Noguès, L’interruption, Paris, Flammarion, 2018.

46. L’histoire comme émancipation, avec Laurence De Cock, Mathilde Larrère et Guillaume Mazeau

Les invité-e-s : Laurence de Cock (professeure en lycée), Mathilde Larrère (MCF à l’Université Paris-Est-Marne-la-Vallée) et Guillaume Mazeau (MCF à l’Université Paris-I)

Le livre : L’histoire comme émancipation, Agone / Aggiornamento Histoire-géographie, 2019.
La discussion : le sens à donner au titre du livre, « l’histoire comme émancipation » (1:00) ; la défense d’une histoire qui peut être à la fois engagée et scientifique (4:30) ; la méthode historique qui peut elle-même être émancipatrice (6:20) ; ne pas substituer un « roman de gauche » au « roman national » (10:00) ; l’importance du travail historique pour faire exister les dominé-e-s ou « invisibilisé-e-s » de l’histoire (12:00) ; les années 1980 comme point de bascule d’une politisation de l’histoire, réactivant une histoire conservatrice (14:00) ; un exemple d’invisibilité récente : l’histoire des paysans (16:45) ; un contexte qui amène à chercher des façons d’opposer des propositions aux récits dominants ou simplificateurs (18:10) ; l’espace de la vulgarisation qu’il ne faut pas abandonner (19:30) ; l’impératif pédagogique, lié à l’émancipation, et qui ne va pourtant pas de soi dans le métier historien (24:30) ; un livre qui constitue à la fois un manifeste et l’exposition de propositions et de tâtonnements (26:20) ; le nécessité pour les historiennes et les historiens de « redistribuer » le capital culturel (28:40) ; pour cela, un travail qui peut se confronter à d’autres formes, comme le travail théâtral (30:50) ; un retour sur la polémique liée à la (fausse) disparition de Verdun dans les programmes scolaires (36:00) ; l’histoire comme mise à distance de soi-même, permettant aussi le désaccord et le débat (40:20).

Les précédentes émissions : sur l’enseignement de l’histoire, avec Laurence De Cock ; autour de 1848, avec Mathilde Larrère et Romain Duplan ; sur le dictionnaire “Maitron” avec Paul Boulland.

43. L’internationalisme ouvrier au XIXe siècle, avec Nicolas Delalande

L’invité : Nicolas Delalande, professeur au Centre d’histoire de Sciences Po

Le livre : La Lutte et l’entraide. L’Âge des solidarités ouvrières, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2019.La discussion : comment on passe d’une histoire de l’impôt, de l’État, à celle de l’internationalisme ouvrier (1’05) ; l’inscription dans l’histoire transnationale et dans celle de la première mondialisation du XIXe siècle, où le mouvement ouvrier est directement confronté à l’ouverture des échanges (3’02) ; la relecture d’une historiographie élaborée en partie dans les années 1960-1970 et marquée alors par des questionnements surtout idéologiques et politiques (5’05) ; une première internationale marquée par des solidarités de métier (7’00) ; le paradoxe central travaillé par le livre : comment s’organiser, sur le plan financier notamment, sans reproduire l’institutionnalisation du monde bourgeois ? (8’50) ; l’imprégnation paradoxale des syndicalistes anglais par la morale victorienne en matière de rapport à l’argent et de respectabilité (11’05) ; l’invention d’une solidarité ouvrière distincte de la charité ou de la philanthropie (13’20) ; le moment qui suit l’écrasement de la Commune comme mise à l’épreuve de ces pratiques (16’50) ; l’importance du crédit dans l’imaginaire et les pratiques socialistes de l’époque (18’10) ; l’extrême importance de la question migratoire dans la mise en place de l’internationalisme ouvrier, faisant écho aux débats actuels sur les « travailleurs détachés » ou le « dumping social » (22’20) ; la centralité de Londres, tant pour le capital que pour les militants ouvriers et révolutionnaires, et la fidélité des autorités britanniques au droit d’asile (27’07) ; les malentendus et les difficultés pratiques de l’internationalisme, face en particulier à la construction des États-nations (30’15) ; les débats sur la grève générale illustrant ces divergences (33’15) ; les mutations géographiques du second internationalisme des années 1880-1890, les États-Unis voire les colonies devenant des espaces à prendre en compte, compliquant le jeu des solidarités (37’30) ; dans quelle mesure les préoccupations contemporaines ont joué dans l’écriture du livre (42’55) ; l’adoption d’enfants comme pratique marquante de solidarité dès les années 1860-1870, réutilisée ensuite dans des contextes guerriers (travaux de Célia Keren sur la guerre d’Espagne) (45’15).

Le conseil de lecture : Mark Mazower, What You Did Not Tell: A Russian Past and the Journey Home, Londres, Allen Lane, 2017.