10. L’alimentation dans l’antiquité romaine, avec Dimitri Tilloi d’Ambrosi

L’invité : Dimitri Tilloi d’Ambrosi, agrégé d’histoire, doctorant en histoire romaine à l’université Lyon-III (laboratoire HiSoMa). Ses recherches portent sur l’alimentation, la diététique et la médecine à l’époque romaine.

Le livre : L’empire romain par le menu, éditions Arkhé, 2017, 232 p.
La discussion : les enjeux de l’histoire de l’alimentation aujourd’hui (1’), les sources pour une histoire de l’alimentation romaine, et en particulier les apports de l’archéologique (2’20), l’alimentation barbare, dans l’imaginaire romain et en réalité (4’), les lieux de l’alimentation romaine, notamment les popinae pour les couches populaires (5’10), le statut particulier du De re coquinaria attribué à Apicius (6’50), la difficulté de reconstituer aujourd’hui le goût romain ou d’appliquer des « recettes » de l’époque (8’30), l’importance du garum pour les Romains (9’10), l’« édit du maximum » pris sous Dioclétien, et les informations qu’il livre pour l’alimentation dans l’antiquité tardive (10’40), le paradoxe d’une identité alimentaire romaine entre frugalité et raffinement (11’45), les composantes grecques de l’alimentation romaine (14’), les prescriptions sur la pureté et la question des aliments à ne pas consommer (15’40), l’origine des viandes à Rome, et leur rapport aux sacrifices (16’50), la table des empereurs romains, dépeints de façon souvent trompeuse par les sources (18’10), les clichés sur l’orgie romaine et les excès alimentaires (19’40), les repas romains qui impliquent les dieux et les morts (20’50), le groupe social que constituent les cuisiniers (21’50), les provenances variées des aliments pour les élites dans l’empire romain (23’15), les codes sociaux régissant les invitations et les repas (24’), les discours de médecins sur l’alimentation et la digestion (26’), la christianisation de l’alimentation dans l’Antiquité tardive (27’25), les origines plus anciennes des discours sur l’ascétisme (28’10), ce qui reste à découvrir sur l’alimentation romaine (29’).

Le conseil de lecture : Danièle Jouanna, L’enfant grec au temps de Périclès, Les belles Lettres, 2017

Parmi les sources antiques mentionnées dans le podcast :

-Anthime, De observatione ciborum

-Suétone, Vie de Vitellius, XIII (trad. M. Cabaret-Dupaty, 1893)
« Ses vices favoris étaient la cruauté et la gourmandise. Il faisait régulièrement trois et quelquefois quatre repas, le petit déjeuner, le déjeuner, le dîner et l’orgie. Il suffisait à tout par l’habitude de se faire vomir. Il s’annonçait le même jour chez diverses personnes, et chaque repas ne coûtait pas moins de quatre cent mille sesterces. Le plus fameux fut celui que lui donna son frère à son arrivée. On y servit, dit-on, deux mille poissons des plus fins, et sept mille oiseaux. Il surpassa encore cette magnificence en faisant l’inauguration d’un plat d’une grandeur énorme, qu’il appelait “l’égide de Minerve, protectrice de la ville”. On y avait mêlé des foies de scares, des cervelles de faisans et de paons, des langues de flamants, des laitances de lamproies. Pour composer ce plat on avait fait courir des vaisseaux depuis le pays des Parthes jusqu’au détroit de Gadès. La gloutonnerie de Vitellius était non seulement vorace, mais encore sordide et déréglée. Jamais, dans un sacrifice ou dans un voyage, il ne put s’empêcher de prendre sur l’autel et d’avaler des viandes et des gâteaux à peine retirés du feu. Le long des chemins, dans les cabarets, il s’emparait des mets encore fumants, ou dévorait ceux de la veille qui étaient à demi rongés. »

-Plutarque, Vie de Caton l’ancien, VI (trad. Ricard, 1829)
« L’éloquence de Caton augmentait chaque jour son crédit : on l’appelait le Démosthène romain; mais c’était surtout son genre de vie qu’on estimait et qu’on louait davantage ; car le talent de la parole était dès ce temps-là un objet d’émulation pour les jeunes Romains, qui s’efforçaient à l’envi de se surpasser les uns les autres. Mais de voir un citoyen qui, conservant l’ancien usage de cultiver la terre de ses propres mains, se contentât d’un dîner préparé sans feu et d’un souper frugal; qui ne portât qu’un habit simple, habitât la maison la plus commune, et aimât mieux n’avoir pas besoin de superflu que de se le donner, rien n’était alors plus rare. La vaste étendue de la république lui avait déjà fait perdre l’antique pureté de ses mœurs ; la multitude immense des affaires, et le grand nombre de peuples qu’elle embrassait dans son empire, avaient introduit à Rome une grande variété de mœurs ; et l’on y voyait les manières de vivre les plus opposées. Caton était donc avec justice l’objet de l’admiration publique, lorsqu’au milieu de tous les autres citoyens qu’on voyait, amollis par les voluptés, succomber aux moindres travaux, il se montrait seul invincible et à la peine et au plaisir, et cela, non seulement dans sa jeunesse et lorsqu’il briguait les honneurs, mais dans sa vieillesse même et sous les cheveux blancs, après son consulat et son triomphe : il était comme un courageux athlète qui, même après la victoire, continue ses exercices, et ne les cesse qu’à sa mort. Jamais, écrit-il lui-même, il ne porta de robe qui coûtât plus de cent drachmes ; tant qu’il commanda les armées, et même pendant son consulat, il ne but d’autre vin que celui de ses esclaves; pour son dîner, on n’achetait pas au marché pour plus de trente as de provisions ; et en tout cela il n’avait en vue que sa patrie, et ne se proposait que de se faire un tempérament plus robuste, plus propre à soutenir les fatigues de la guerre. Ayant trouvé, dit-il encore, dans la succession d’un de ses amis, une tapisserie de Babylone, il la fit vendre sur-le-champ ; de plusieurs maisons de campagne qu’il avait, aucune n’était blanchie ; il n’avait jamais acheté d’esclave au-dessus de quinze cents drachmes, parce qu’il voulait, non des gens bien faits et délicats, mais des hommes robustes, capables de travail, qui pussent mener ses bœufs et panser ses chevaux; et même, lorsqu’ils devenaient vieux, il les faisait vendre, pour ne pas nourrir des bouches inutiles. En général, il pensait que rien de superflu n’est à bon marché ; qu’une chose dont on peut se passer, ne coûtât-elle qu’une obole, est toujours chère ; qu’il faut préférer les terres où il y a beaucoup à semer et à faire des élèves, à celles qui demandent d’être souvent ratissées et arrosées. »

-Sénèque, Lettre à Lucilius, 95 (extrait ; trad. Baillard, 1861)
« Nos maladies sont innombrables ; ne t’en étonne pas : compte nos cuisiniers. Les études ne sont plus ; les professeurs de sciences libérales, délaissés par la foule, montent dans une chaire sans auditeurs. Aux écoles d’éloquence et de philosophie règne la solitude ; mais quelle affluence aux cuisines! Quelle nombreuse jeunesse assiège les fourneaux des dissipateurs! Je ne cite point ces troupeaux de malheureux enfants qui, après le service du festin, sont encore réservés aux outrages de la chambre à coucher. Je ne cite point ces bandes de mignons classés par races et par couleurs, si bien que tous ceux d’une même file ont la peau du même poli, le premier duvet de même longueur, la même nuance de cheveux, et que les chevelures lisses ne se mêlent point aux frisées. Je passe ce peuple d’ouvriers en pâtisserie; je passe ces maîtres d’hôtel au signal desquels tout s’élance pour couvrir la table. Bons dieux! que d’hommes un seul ventre met en mouvement! Eh quoi! ces champignons, voluptueux venin, n’opèrent-ils pas en vous quelque sourd travail, lors même qu’ils ne tuent pas sur l’heure? Et cette neige au cœur de l’été, ne doit-elle pas dessécher et durcir le foie? Penses-tu que ces huîtres, chair tout inerte, engraissée de fange, ne te transmettent rien de leur pesanteur limoneuse? que ce garum des alliés, précieuse pourriture de poissons malsains, ne te brûle pas l’estomac de sa saumure en dissolution? Ces mets purulents et qui passent presque immédiatement de la flamme à la bouche, crois-tu qu’ils vont s’éteindre sans lésion dans tes entrailles? Aussi quels hoquets impurs et empestés! Quel dégoût de soi-même aux exhalaisons d’une indigestion de vieille date! Sache donc que tout cela pourrit en toi, et ne s’y digère point.
Jadis, je me le rappelle, on a parlé beaucoup d’un ragoût fameux : tout ce qui, chez nos magnifiques, vous tient à table un jour durant, un gourmand, pressé d’en venir à sa ruine, l’avait entassé sur un plat : conques de Vénus, spondyles, huîtres séparées de leurs bords qui ne se mangent plus, entremêlées et coupées de hérissons de mer ; le tout portait sur un plancher de rougets désossés et sans nulle arête. On se dégoûte de ne manger qu’une chose à la fois ; on fond toutes les saveurs en une ; on opère sur table ce que devait faire l’estomac repu; je m’attends à ce qu’on nous serve tout mâché. (…) Qu’on fasse un tout de ce qu’ailleurs on sépare ; qu’une même sauce l’assaisonne; qu’on ne distingue rien: que les huîtres, les hérissons, les spondyles, les rougets soient amalgamés, cuits, servis ensemble : y aurait-il plus de confusion dans le produit d’un vomissement? Que résulte-t-il de toutes ces mixtions? Ses maladies complexes comme elles, énigmatiques, diverses, de formes multiples, contre lesquelles la médecine à son tour a dû s’armer d’expériences de toute espèce. J’en dis autant de la philosophie. Plus simple autrefois, lorsqu’après des fautes moindres de légers soins nous guérissaient, contre le renversement complet de nos mœurs, elle a besoin de tous ses efforts. Et plût aux dieux qu’à ce prix enfin elle fît justice de la corruption ! »

 

9. L’Épuration (1940 à nos jours), avec Fabrice Virgili

L’invité: Fabrice Virgili, directeur de recherche au CNRS

Le livre : François Rouquet et Fabrice Virgili, Les Françaises, les Français et l’épuration. De 1940 à nos jours, Paris, Gallimard, « Folio histoire », 840 p.

Lire le compte-rendu

La discussion : une histoire de l’Épuration mûrie depuis longtemps, qui vient de loin, pour les deux auteurs (2’), un questionnement relié à celui des politistes sur la « justice transitionnelle » et les changements de régime (3’15), le cadre temporel élargi du livre puisqu’on pense à l’Épuration bien avant 1944, dans la clandestinité (4’30), l’Empire colonial comme laboratoire (5’50), l’intégration de cette histoire dans un cadre européen, intégrant aussi les jugements de criminels de guerre dans la zone d’occupation française en Allemagne, et un regard comparatif sur l’espace européen (7’40) l’absence de « guerre civile » franco-française (12’25), la définition parfois ambiguë des « traîtres » à punir (13’), l’expression « épuration sauvage », ses origines, son inadaptation pour décrire la période (15’45), la question du « règlement de comptes » dans l’Épuration, (18’35), la variété géographique des modalités de l’Épuration (19’50), l’importance des enjeux économiques (ravitaillement, marché noir…, 21’40), le rythme du châtiment et des procès, que certains trouvent trop lent, faisant justice eux-mêmes, attaquant des prisons, dans un contexte de fin de guerre (24’), les sources et méthodes pour approcher l’opinion et ses réactions, dans la foulée des travaux de Pierre Laborie (26’55), l’Épuration dans l’Église et ses limites (29’), le bouleversement qui ralentit l’épuration au début de la guerre froide (30’30), un regard sur la présence récente de Charles Maurras, condamné en 1945, au sein de la liste des commémorations nationales (33’45), les échos mémoriels contemporains de l’Épuration (35’45).

Les références citées dans le podcast :
-Peter Novick, L’épuration française, 1944-1949, Paris, Balland, 1985 [1968]
-Robert Paxton, La France de Vichy : 1940-1944, Paris, Seuil, 1973
-Philippe Bourdrel, L’épuration sauvage, Paris, Perrin, 1988
-Jean Dutourd, Au bon beurre, ou dix ans de la vie d’un crémier, Paris, Gallimard, 1952.
-Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy : les Français et la crise d’identité nationale, 1936-1944, Paris, Seuil, 2e éd., 2001.

Le conseil de lecture :
Les polars suédois de Maj Sjöwall et Per Wahlöö

6. Ouvriers britanniques à Paris au XIXe s., avec Fabrice Bensimon

L’invité : Fabrice Bensimon, professeur d’histoire et de civilisation britanniques à l’université Paris-IV, membre du Centre d’Histoire du XIXe siècle

Le livre : Les sentiers de l’ouvrier. Textes de John Colin, Charles Manby Smith et William Duthie, traduits par Sabine Reungoat, présentés par Fabrice Bensimon, Paris, éditions de la Sorbonne, 2018, 136 p. , 15€.

La discussion : comment les historiens ont recherché et fait émerger des autobiographies issues des classes populaires (2’), qui écrit mais aussi qui n’écrit pas dans les classes populaires britanniques au XIXe siècle (5’50), les logiques migratoires de la Grande-Bretagne vers la France, où se trouve notamment un marché noir de l’édition à l’époque (8’10), le décalage de qualification entre Britanniques et Français au début de l’industrialisation (10’), liberté de circulation vs. contrôle des passeports et des déplacements (13’), le rapport distant des ouvriers britanniques à l’effervescence politique française des années 1830-1848 (15’45), à propos de politisation, « the » question : pourquoi pas de révolution en Grande-Bretagne en 1848 ? (18’20), les sociabilités populaires et ouvrières dans le Paris des années 1830-1840 (22’45), la « Saint lundi » et les résistances aux rythmes accrus du travail (24’30), l’intégration de ces ouvriers dans la société française, entre ouverture et fermeture avec l’émergence d’un « langage de la nationalité » (27’).

Les références citées dans le podcast :

Martin Nadaud, Mémoires de Léonard, maçon de la Creuse, présentation, notes et bibliographie de Jean-Pierre Rioux, Paris, Vendémiaire, 2012 [1895]

Agricol Perdiguier, Mémoires d’un compagnon, Paris, Maspero, 1977 [1854-1855]

Edward P. Thompson, La Formation de la classe ouvrière anglaise, Paris, Seuil, « Points », 2012 [1963]

Jacques-Olivier Boudon, Le Plancher de Joachim. L’histoire retrouvée d’un village français, Belin, 288 pp., 24 €.

Le conseil de lecture : Jill Lidington et Jill Norris, Histoire des suffragistes radicales, Paris, Libertalia, 2018 [1978].

 

5. Sur l’enseignement de l’histoire, avec Laurence de Cock

L’invitée : Laurence de Cock, qui enseigne en lycée et à l’université Paris-Diderot ; elle est la fondatrice du collectif aggiornamento histoire-géo qui travaille à repenser l’enseignement de l’histoire et de la géographie.

Le livre : Laurence de Cock, Sur l’enseignement de l’histoire, Paris, Libertalia, 2018, 329 p., 17€.

La discussion : présentation de l’ouvrage ; la figure souvent caricaturée d’Ernest Lavisse et son originalité comme savant et pédagogue (à 3 minutes environ), la difficulté (et la nécessité) d’ouvrir la porte de la salle de classe pour étudier les pratiques scolaires  et pas seulement les programmes ou les manuels (5 min.), le renouvellement des questionnements autour de l’enseignement de l’histoire après la Première Guerre mondiale, en lien notamment avec la naissance (1929) de la revue Annales d’histoire économique et sociale de Lucien Febvre et Marc Bloch (9 min.), le contexte particulier des années 1960-1970 où fourmillent les projets (13 min.), l’inertie des pratiques ordinaires pour beaucoup de profs loin des avant-gardes pédagogiques (16 min.) le tournant du début des années 1980 et les cris d’alarme d’Alain Decaux sur l’enseignement de l’histoire (18 min.), la difficulté de l’histoire scolaire et de sa finalité intellectuelle dans un contexte où l’immigration et sa vision « culturaliste » polarise les débats (20 min.), la question du jugement dans l’histoire et dans la salle de classe (23 min.), comment faire une scolaire émancipée et émancipatrice sans substituer un « roman de gauche » au « roman national » (26 min.), le carcan horaire des programmes (28 min.), et enfin les bonnes raisons de devenir prof d’histoire (30 min.).

Les références citées dans le podcast :

  • Suzanne Citron, Le mythe national. L’histoire de France revisitée, Paris, éditions de l’Atelier, 2008.
  • Annie Bruter, « Un laboratoire de la pédagogie de l’histoire. L’histoire sainte à l’école primaire (1833-1882) », Revue de l’histoire de l’éducation, n° 114, 2007.
  • Evelyne Héry, Un siècle de leçons d’histoire. L’histoire enseignée au lycée 1870-1970, Rennes, PUR, 1999.
  • Olivier Loubes, « “L’incommode image exacte” du Petit Lavisse. Brève histoire régressive des écritures scolaires du récit national (2013-1913) », in Etienne Bourdon et al., Lavisse : le roman national comme patrimoine scolaire, Éditions de l’œil, 2016.
  • Antoine Prost, Histoire de l’enseignement et de l’éducation depuis les années 1930, Perrin, 2004.

Le conseil de lecture : Gérard Noiriel, Une histoire populaire de la France, Marseille, Agone, à paraître en septembre 2018.

4. L’Asie dans les conflits du premier XXe siècle, avec Pierre Grosser

L’invité : Pierre Grosser, professeur agrégé à Sciences Po, chercheur en histoire des relations internationales

Le livre : L’Histoire du monde se fait en Asie. Une autre vision du XXe siècle, Paris, Odile Jacob, 2017.
La discussion : les origines du travail et l’intérêt pour l’Asie en tant qu’historien internationaliste (3′), le défi mais la possibilité d’écrire une histoire de l’Asie sans parler les langues de la région (4′), les renouvellements historiographiques récents de l’histoire de l’Asie et les biais de ces travaux qu’il faut savoir décoder (5’30), la vogue actuelle de l’histoire mondiale en France, et le retard ou les limites de ces approches qui ignorent souvent les relations internationales (7’30), l’importance pour les relations internationales aux XIXe-XXe siècles de la zone située entre Chine et Russie (10’40), l’issue de la première guerre mondiale en Asie et les frustrations de la Chine et du Japon, pour la “clause d’égalité raciale” notamment (13′), la discrétion diplomatique de la France dans la région (15′), le lien entre questions extérieures (et asiatiques) et politique intérieure, pour l’URSS en particulier (16’10), les raisons pour lesquelles la guerre URSS-Japon n’a (presque) pas eu lieu, qui aurait pu constituer le tournant de la seconde guerre mondiale (18’30), les lectures renouvelées de la capitulation japonaise en 1945, entre bombes atomiques et offensive soviétique (20′), la périodisation de la seconde guerre mondiale, qu’on peut faire débuter en 1937 ou 1931 en Asie, et les sous-entendus historiographiques, politiques et mémoriels dans le choix de ces dates (22′).

Les références citées dans le podcast :
– Sylvain Venayre et Pierre Singaravélou, Histoire du monde au XIXe siècle, Paris,Fayard, 2017.
– Jürgen Osterhammel, La transformation du monde au XIXe siècle , Paris, Nouveau monde éditions, 2017.
– Christopher Bayly, La naissance du monde moderne (1780-1914), Paris, Les Éditions de l’Atelier – Le Monde diplomatique, 2007

Le conseil de lecture : Odd Arne Westad, La guerre froide globale, Payot, 2007

3. Enfance et adolescence en guerre, avec Manon Pignot

L’invitée : Manon Pignot, ancienne élève de l’ENS (Fontenay-Saint-Cloud), agrégée d’histoire, maîtresse de conférences à l’université de Picardie-Jules Verne.

Les parutions :
Déflagrations, sous la direction de Zérane S. Girardeau, Paris, Anamosa, 2017.
« “Les enfants ne vont pas au front” : les combattants juvéniles de la Grande Guerre », Le Mouvement Social, dossier : Engagements adolescents en guerres mondiales, n°261, oct-nov. 2017.
La discussion : la force expressive des dessins d’enfants en guerre (à 3 minutes environ), l’archivage des dessins d’enfants et l’intérêt que leur ont porté pédagogues et historiens (8’), l’intérêt du dessin pour échapper aux déterminismes sociaux liés à la maîtrise de l’écriture, mais la difficulté à le contextualiser (10’45), les différences et les ressemblances entre dessins suivant les contextes de guerre (11’45), le caractère plus marquant des dessins d’enfants plus jeunes (14’45). Puis la Première Guerre mondiale, avec les quelques adolescents qui cherchent à rejoindre le front pour combattre (17′),  les causes multiples de leurs engagements souvent contrecarrés par les autorités (18′), l’inscription de ces phénomènes dans le temps long de la scolarisation et de la structuration du sentiment national (21′), les mélange d’inquiétude et de fierté des contemporains devant ces velléités guerrières (23′), leur mémoire ambiguë (26′), les éclairages de cette histoire au regard des “enfants-soldats” et des tentations guerrières pour certains adolescents aujourd’hui (28′)

Parmi les dessins évoqués dans le podcast :
Dessin de Beata, 8 ans, enfant rwandaise au centre pour enfants orphelins ou séparés de Ndera, 1997 (p.103)

Dessin d’un enfant tchadien dans un camp de personnes déplacées par la guerre du Darfour, 2007 (détail, p. 189)

Dessin d’un enfant dans la guerre d’Espagne, 1937 (p.208)

Photo d’un des adolescents-soldats évoqués dans l’article (Imperial War Museum Q11105)

Le conseil de lecture : Anna Hope, Le chagrin des vivants (2016) et La salle de bal (2018).

2. Les socialistes dans l’Algérie coloniale, avec Claire Marynower

L’invitée: Claire Marynower, agrégée d’histoire et maîtresse de conférences à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Ses travaux de recherche portent sur l’histoire du Maghreb à l’époque coloniale.

Le livre : L’Algérie à gauche 1900-1962, PUF, 2018.
La discussion : le choix de travailler sur l’Algérie coloniale (à 2 minutes environ), l’objet du livre: les socialistes en Algérie, des colonisateurs de “bonne volonté” selon l’expression d’un acteur de l’époque (3’30)  les particularités de la région d’Oran, terrain de l’enquête (6′), les types de sources utilisées, en l’absence des archives locales du parti (8′), la démarche prosopographique (10’30), le portrait plus nuancé qu’on ne l’écrit habituellement des militants du parti (13′), les violences qui émaillent la vie politique dans l’Algérie de l’entre-deux-guerres (15’45), l’importance de la guerre d’Espagne dans la vie d’Oran toute proche et peuplée d’une forte communauté d’immigrés espagnols (17’30), le projet de Réforme Blum-Viollette en 1936 et l’enthousiasme qu’il suscite du côté algérien (20′), les possibilités de rencontre au sein de la S.F.I.O. entre Français et Algériens ainsi que leurs limites (23′), les difficultés croissantes des socialistes face à l’irruption du nationalisme algérien dans les années 1940 et 1950, autour des émeutes et violences de Sétif et Guelma (1945) en particulier (25’20), l’importance du livre pour réfuter les tendances nostalgiques qui mythifient “l’effort colonial” de la France en Algérie (29’40).

Les références citées dans le podcast :
– Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, Paris, Gallimard, coll. “Folio histoire”, 2e éd., 2016 [2001].
– Albert Memmi, Portrait du colonisé, précédé de Portrait du colonisateur, Paris, Buchet/Chastel, 1957.
– Célia Keren, « Négocier l’aide humanitaire : les évacuations d’enfants espagnols vers la France pendant la guerre civile (1936-1939) », Revue d’Histoire de l’Enfance Irrégulière, n°14, dossier « Enfances (dé)placées », 2013, p. 167-183.
– Jean-Pierre Peyroulou, Guelma,1945. Une subversion coloniale dans l’Algérie française, Paris, La découverte; coll. “Textes à l’appui”, 2009.

Le conseil de lecture final : Marceline Loridan-Ivens, L’amour après, Paris, Grasset, 2018.

1. Autour de mai 68, avec Ludivine Bantigny

L’invitée : Ludivine Bantigny, maîtresse de conférences à l’université de Rouen-Normandie

Le livre : 1968, De grands soirs en petits matins (Seuil, 2018).  Lire la recension.

La discussion : les bornes chronologiques de l’événement « 68 » (à 3 minutes d’entretien environ), la violence des manifestations et de la répression menant aux « morts oubliés » de juin 1968 (6 min.),l’importance pour l’historienne de restituer la dimension matérielle et concrète de l’événement (10 min), le rapport au passé (le Front Populaire, la Commune…) en mai-juin 1968 (15 min.), l’internationalisme pensé et vécu par les acteurs du mouvement (18 min.), le rapport aux sources et le travail en archives sur les fiches établies par la police (22 min.), la mémoire spécifique de la guerre d’Algérie et la présence (ou non) de « Charonne » et du 17 octobre 1961 dans les esprits en 1968 (25 min.), les rapports hommes-femmes, la difficile prise de parole féminine, et la question de la sexualité (27 min.), une histoire contrefactuelle de mai-juin 1968 : comment les choses auraient-elles pu tourner autrement, basculer ? Quel rôle pour la CGT en particulier ? (32 min.), quels acquis sociaux, alors que l’inflation rend éphémères les gains salariaux, et qu’à l’échelle locale les rapports de force sont souvent défavorables aux grévistes après « mai » ? (38 min.), que font les historiennes et les historiens en mai 68 ? (40 min.).

Le conseil de lecture final : Julie Pagis, Un pavé dans leur histoire, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Sociétés en mouvement », 2014.