63. Un autre Risorgimento. L’Italie du sud au premier XIXe siècle, avec Pierre-Marie Delpu

L’invité: Pierre-Marie Delpu, chercheur au laboratoire Telemme

Le livre: Un autre Risorgimento.La formation du monde libéral dans le Royaume des Deux-Siciles (1815-1856), École française de Rome, 2019.

La discussion:

  • Le Royaume des Deux-Siciles, un espace politique original au sud de l’Italie (1′)
  • Les paradoxes de la Restauration en 1815, qui n’efface pas entièrement le passé du decennio francese (3′)
  • La question des sources : comment étudier sociétés secrètes et conspirations ? (9’50)
  • La façon de tirer parti historiquement des Mémoires de révolutionnaires comme Guglielmo Pepe (12’45)
  • L’exil et la prison, deux expériences politiques fondamentales pour les libéraux du XIXe siècle, avec la construction de la figure du « martyr » (14’10)
  • La question de la politisation populaire du XIXe siècle : « descente vers les masses » de la politique ou autonomie des pratiques et représentations ? (20′)
  • La place des martyrs politiques dans la politisation populaire (22’20)
  • L’articulation entre grandes révolutions et épisodes en apparence plus ordinaires ou routiniers (24’20)
  • Les images attachées au mezzogiorno, et son supposé déficit de « modernité », dès le XVIIIe siècle, et qui alimente des préjugés très durables (27’35)
  • Quels autres possibles en 1860 que le rattachement au Royaume d’Italie ? (33’20)

Les conseils de lecture :
– Emmanuel Fureix, L’œil blessé. Politiques de l’iconoclasme après la Révolution française, Champ Vallon 2019.
– Olivier Grenouilleau, Nos petites patries. Identités régionales et État central, en France, des origines à nos jours, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 2019.

62. La construction des nations au XIXe siècle, avec Pierre-Marie Delpu

L’invité: Pierre-Marie Delpu, chercheur au laboratoire Telemme

Le thème: L’Europe entre restauration et révolution / La France et la construction de nouveaux États par la guerre et la diplomatie (programmes de Première 2019), à travers le chapitre dans le livre d’historiographie dirigé par Sébastien Cote et Emmanuelle Picard.

La discussion :

  • Quelles réactions d’un historien du XIXe siècle à ces nouveaux programmes, assez franco-centrés ? (1′)
  • Le vocabulaire de la « nation » et du « nationalisme » au XIXe siècle (4’15)
  • Le passage d’une conception historiographique de « l’éveil » des nationalités à la « construction » des nations, à travers l’exemple du « Risorgimento » (6’30)
  • Les désaccords et conflits au sein de chaque projet national (modèle monarchique, fédératif, républicain…) (9′)
  • L’importance paradoxale des circulations transnationales pour construire les projets nationaux au premier XIXe siècle, avec la Grèce pour « laboratoire » (11’30)
  • Les expériences militaires napoléoniennes réinvesties dans les luttes libérales dans les années 1820 (15’20)
  • La question polonaise, grande cause nationale et libérale au XIXe siècle, qui conduit aussi à relativiser le rôle initiateur de la France dans les révolutions européennes (18’20)
  • Réinscrire la question nationale dans une longue durée, à travers le « long Risorgimento » par exemple (22’30)
  • Le rattachement de la Savoie à la France, « point de passage et d’ouverture » du programme de Première (25′)
  • Difficultés, inachèvement, résistances à la construction nationale, à travers notamment l’exemple des mafias en Italie méridionale (28’30)
  • Bismarck et sa conception de la nation allemande (32’10)
  • L’intérêt pour les collègues d’utiliser l’iconographie au moment où les images jouent un rôle majeur dans l’acculturation politique et nationale des populations (35’30)

Les références citées dans le podcast :

– Benedict Anderson, L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996 [1983].
– Walter Bruyère-Ostells, La grande armée de la liberté, Paris, Tallandier, 2009
– Olivier Grenouilleau, Nos petites patries. Identités régionales et État central, en France, des origines à nos jours, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 2019.
– Sandrine Kott, Bismarck, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, collection « Facettes », 2003
– Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales. Europe, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Seuil, 1999

58. L’iconoclasme politique au XIXe siècle, avec Emmanuel Fureix

L’invité : Emmanuel Fureix, maître de conférences à l’Université Paris-est Créteil

Le livre : L’œil blessé. Politiques de l’iconoclasme après la Révolution française, Champ Vallon 2019.

La discussion :

  • Le titre du livre : de qui l’œil est-il blessé, et par quoi ?
  • Les signes visés par l’iconoclasme politique, et les types d’opérations qui les entourent
  • Une inquiétude envers les signes politiques, qui produit des sources administratives et judiciaires en particulier
  • Des témoignages, qui n’émanent que peu des hommes politiques, qui jugent tout cela dérisoire
  • L’iconoclasme, trace d’autres formes de politisation, et de conceptions de la citoyenneté, que celle qui passe par le vote
  • Une pratique iconoclaste qui ne s’explique pas seulement par des éléments sociologiques (couches populaires vs. élites)
  • La monnaie, où s’inscrit la souveraineté, visée par l’iconoclasme
  • L’imaginaire du régicide visant les Bourbons
  • Les fleurs et leur gamme chromatique indiquant des appartenances politiques
  • La croyance en une puissance performative des signes et des gestes qui les visent
  • La tension entre gestes iconoclastes et sacralisation du patrimoine et de la propriété au XIXe siècle
  • Un iconoclasme chirurgical à lier à la notion d’« iconoclash » (Bruno Latour)
  • Un iconoclasme entre spontanéité et le calcul
  • Le contexte particulièrement troublé des années 1814-1816, et la virulence iconoclaste de la seconde Restauration
  • Un usage paradoxal et risqué de l’iconoclasme du côté des Bourbons et de leurs partisans
  • Une autre dimension de ces conflits autour des signes : le défi masculin dans l’espace public
  • La « recharge iconoclaste » de février 1831
  • Quels sens donner à la scène célèbre du « sac  des Tuileries » en  février 1848 ?
  • Le surprenant iconoclasme de la République conservatrice de 1849-1851
  • Un moment d’iconoclasme un peu oublié : la chute du Second Empire en septembre 1870
  • Le rapport entre Paris et province et les moments de diffusion des nouvelles parisiennes à l’origine de pratiques iconoclastes
  • La violence iconoclaste, substitut à la violence physique ?
  • Une efficacité des gestes iconoclastes qui semble décroître dans le dernier tiers du XIXe siècle
  • La faible circulation internationale de l’iconoclasme, à la différence de la barricade.
  • Les résurgences de l’iconoclasme dans les sociétés contemporaines

Les conseils de lecture :
– Alain Corbin, Le village des cannibales, Paris, Aubier, 1990.
– Emmanuel Fureix, Le siècle des possibles (1814-1914), Paris, PUF, 2014.

54. Émotions dans le monde savant, avec Françoise Waquet

L’invitée : Françoise Waquet, directrice de recherche émérite au CNRS

Le livre : Une histoire émotionnelle du savoir, XVIIe-XXIe siècle, Paris, Éditions du CNRS, 2019.

La discussion :

  • L’histoire des émotions dans le fil d’un parcours de recherche centré sur les savants (1:00)
  • Entrée en matière : l’émotion de l’agrégé de Lettres Pierre-Maurice Masson devant sa thèse achevée en 1916 (2:30)
  • Des émotions situées : avec des collègues, des supérieurs, des instruments, un corps… (4:45)
  • Des émotions malgré un idéal savant d’objectivité, passant par des publications normées avec une façade lisse et dépourvue d’émotions, notamment en sciences « dures » avec le modèle IMRAD (Introduction, materials and methods, results and discussion) pour les articles (6:00)
  • Pour trouver les émotions des chercheurs : deux types de sources : ego-documents (lettres, récits, remerciements…) et rapports sur la condition des chercheurs et chercheuses (10:25)
  • Un « tournant réflexif » des sciences humaines depuis les années 1980, et la multiplication de textes d’« ego-histoire » (15:05)
  • Les émotions, la recherche et la question du masculin / féminin (16:30)
  • Les émotions positives : admirations et chocs devant des rencontres de livres ou de personnalités admirées (19:10)
  • L’attachement aux lieux de travail, comme les laboratoires (21:25)
  • Le choc émotionnel que fut, en France, le passage de l’ancienne Bibliothèque nationale (salle Labrouste, rue de Richelieu) au site de la BNF-Tolbiac (23:00)
  • Les bouleversements liés à l’arrivée de l’ordinateur, entre émerveillement et craintes, puis « computer anxiety » et « computer rage » (29:00)
  • Les émotions négatives liées aux difficultés de recrutement, à travers les campagnes de Marc Bloch et Lucien Febvre au Collège de France (34:20)
  • La perte d’une bibliothèque et de papiers, douleur pour un chercheur ou une chercheuse (41:30)
  • Le manque de reconnaissance des « petites mains » ayant travaillé aux grandes enquêtes collectives des années 1960-1970 (43:45)

Les références citées dans le podcast :
Etienne Anheim, Le travail de l’Histoire, Publications de la Sorbonne, 2018.
– Marc Bloch et Lucien Febvre, Correspondance, édition de Bertrand Müller, Fayard, 3 vol.
– Patrick Boucheron, Faire profession d’historien, Publications de la Sorbonne, 2010.
– Lorraine Daston, Peter Galison, Objectivité, Les presses du réel, 2012.
– Philippe Descola, Les Lances du crépuscule : relations Jivaros. Haute-Amazonie, Paris, Plon, « Terre humaine », 1993.
– Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989.
– François Jacob, La statue intérieure, Paris, Odile Jacob, 1987.
– Michel Perrin, Le chemin des Indiens morts : mythes et symboles guajiro, Payot, 1976.
– Dossier « Bibliothèque nationale de France : expériences vécues », Le Débat, 1999/3 (n° 105)
– Article sur la controverse liée à l’ouverture de la BNF-Tolbiac

Le conseil de lecture :
– Jean Rouaud, Kiosque, Paris, Grasset, 2019.

50. Sport et création artistique à l’époque soviétique, avec Julie Deschepper et Sylvain Dufraisse

Les invités : Julie Deschepper, doctorante à l’Inalco ; Sylvain Dufraisse, maître de conférences à l’Université de Nantes

L’exposition et le livre:

“Rouge. L’art au pays des soviets” (Grand Palais, jusqu’au 22juillet 2019)

Les héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930 – années 1980), Champ Vallon, 2019.

La discussion : pourquoi il faut voir l’exposition « Rouge », d’une grande richesse en termes d’œuvres exposées, et de variété de formes artistiques (1’) ; un art qui ne se réduit pas à ses dimensions officielles ou « totalitaires » (3’) ; parmi ces œuvres, celles consacrées aux corps, allant de la biomécanique de Meyerhold à la promotion de la vigueur physique (5’) ; d’autres qui illustrent la violence stalinienne (7’10) ; la césure muséographique entre 1er niveau de l’exposition (années 1920) et second niveau (années 1930) à interroger (8’50) ; la complexité des années 1930 avec l’ouverture aux loisirs « modernes » comme le parachutisme (10’15) ; le concept moins simple qu’il n’y paraît de « réalisme socialiste » (13’40) ; certaines continuités entre les années 1920 et 1930 en matière de figuration et de représentation (18’40) ; l’accent bienvenu mis sur l’architecture et l’espace public dans l’exposition (21’) ; les reconfigurations de la ville socialiste dans un contexte de pénuries de logements (24’) ; les artistes et sportifs comme « promus » (Nicolas Werth) dans la société soviétique (27’15) ; le concept de kultur’nost ou de « civilisation » soviétique ; les contradictions du sport de compétition dans une société collectiviste (30’) ; la nécessité d’éviter une lecture trop monolithique du régime soviétique, pour comprendre les discussions ou compétitions entre organes (34’35) ; la façon dont l’URSS se construit au contact de l’étranger et de l’Ouest (avec le fait de quitter ou de rejoindre les fédérations sportives « bourgeoises » ou le CIO) (41’30) ; l’URSS qui attire des sportifs « marginaux » comme Jules Ladoumègue dans les années 1930 (43’) ; les problèmes que posent les voyages des sportifs soviétiques à l’étranger (46’) ; un retour critique sur l’idée de « stagnation » à l’ère brejnevienne (51’10), les conseils de lecture.

Les références citées dans l’émission :

« Rouge ! L’art au pays des soviets », documentaire d’Arte (A. Minard)
– Michael David-Fox, Showcasing the Great Experiment. Cultural Diplomacy and Western Visitors to the Soviet Union, 1921‑1941, Oxford University Press, 2012.
– Sabine Dullin, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940), Paris, Éditions de l’EHESS, 2014.
– Marc Elie et Isabelle Ohayon, « L’expérience soviétique à son apogée », Cahiers du monde russe, 54/1-2, 2013.
– Emila Koustova, « Les fêtes révolutionnaires russes entre 1917 et 1920. Des pratiques multiples et une matrice commune », Cahiers du monde russe, 47/4, 2006.
– Cécile Pichon-Bonin, Peinture et politique en URSS : l’itinéraire des membres de la Société des artistes de chevalet (1917-1941), Dijon, Les Presses du réel, 2013.
– Travaux de Valérie Pozner sur le cinéma

Les conseils de lecture :

– Ilf et Petrov, Le veau d’or
– Gianni Haver, Jean-François Fayet, Valérie Gorin, Emilia Koustova (dir.), Le spectacle de la Révolution. La culture visuelle des commémorations d’Octobre, Lausanne, Antipodes, coll. « Univers visuels », 2017
– Sheila Fitzpatrick, Le stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30, Paris, Flammarion, 2002.

48. Intimités catholiques au XIXe siècle, avec Caroline Muller

L’invitée : Caroline Muller, maîtresse de conférences à l’Université de Rennes-2.

Le livre : Au plus près des âmes et des corps. Une histoire intime des catholiques au XIXe siècle, Paris, PUF, 362 p., 2019.

La discussion : la direction de conscience, une pratique sociale et religieuse qui se constitue au XIXe siècle ; une Église très préoccupée des « mauvaises lectures » ; la constitution d’un corpus de sources et ses difficultés, à travers notamment les fonds de l’Association pour l’autobiographie ; la façon de décrypter les correspondances formant le matériau de l’ouvrage, et les vertus de la lassitude dans la lecture des sources ; faire l’histoire du catholicisme en devant s’approprier de l’extérieur les codes et les vocabulaires de la religion ; le paradoxe d’une pratique religieuse qui ouvre des marges de liberté aux femmes qui y ont recours ; l’ancrage social de ce travail au sein des élites sociales ; des ressemblances avec la relation contemporaine à un « psy » ; la complexité des relations ainsi nouées entre ces hommes et ces femmes, et le cas de l’exubérante Marie Rakowska ; l’importance des arrangements matrimoniaux, et la place attribuée au mariage d’« amour » ; les problèmes de sexualité qui affleurent dans ces sources ; le comptage (des coïts, des masturbations…) comme instrument de l’écriture de soi ; les évolutions diachroniques décelables dans le corpus ; les choix d’écriture qui ont présidé à la thèse et au livre.

Les références citées dans le podcast :
– Loïc Artiaga, Des torrents de papier. Catholicisme et lectures populaires au xixe siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2007.
– Guillaume Cuchet, Faire de l’histoire religieuse dans une société sortie de la religion, Paris, Publications de la Sorbonne (« Itinéraires », 4), 2013.
– Isabelle Matamoros, Mais surtout, lisez !

Le conseil de lecture : Hélène Dumas, Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, 2014.

43. L’internationalisme ouvrier au XIXe siècle, avec Nicolas Delalande

L’invité : Nicolas Delalande, professeur au Centre d’histoire de Sciences Po

Le livre : La Lutte et l’entraide. L’Âge des solidarités ouvrières, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2019.La discussion : comment on passe d’une histoire de l’impôt, de l’État, à celle de l’internationalisme ouvrier (1’05) ; l’inscription dans l’histoire transnationale et dans celle de la première mondialisation du XIXe siècle, où le mouvement ouvrier est directement confronté à l’ouverture des échanges (3’02) ; la relecture d’une historiographie élaborée en partie dans les années 1960-1970 et marquée alors par des questionnements surtout idéologiques et politiques (5’05) ; une première internationale marquée par des solidarités de métier (7’00) ; le paradoxe central travaillé par le livre : comment s’organiser, sur le plan financier notamment, sans reproduire l’institutionnalisation du monde bourgeois ? (8’50) ; l’imprégnation paradoxale des syndicalistes anglais par la morale victorienne en matière de rapport à l’argent et de respectabilité (11’05) ; l’invention d’une solidarité ouvrière distincte de la charité ou de la philanthropie (13’20) ; le moment qui suit l’écrasement de la Commune comme mise à l’épreuve de ces pratiques (16’50) ; l’importance du crédit dans l’imaginaire et les pratiques socialistes de l’époque (18’10) ; l’extrême importance de la question migratoire dans la mise en place de l’internationalisme ouvrier, faisant écho aux débats actuels sur les « travailleurs détachés » ou le « dumping social » (22’20) ; la centralité de Londres, tant pour le capital que pour les militants ouvriers et révolutionnaires, et la fidélité des autorités britanniques au droit d’asile (27’07) ; les malentendus et les difficultés pratiques de l’internationalisme, face en particulier à la construction des États-nations (30’15) ; les débats sur la grève générale illustrant ces divergences (33’15) ; les mutations géographiques du second internationalisme des années 1880-1890, les États-Unis voire les colonies devenant des espaces à prendre en compte, compliquant le jeu des solidarités (37’30) ; dans quelle mesure les préoccupations contemporaines ont joué dans l’écriture du livre (42’55) ; l’adoption d’enfants comme pratique marquante de solidarité dès les années 1860-1870, réutilisée ensuite dans des contextes guerriers (travaux de Célia Keren sur la guerre d’Espagne) (45’15).

Le conseil de lecture : Mark Mazower, What You Did Not Tell: A Russian Past and the Journey Home, Londres, Allen Lane, 2017.

42. L’opposition aux vaccins (XVIIIe-XIXe s.), avec Laurent-Henri Vignaud

L’invité : Laurent-Henri Vignaud, Maître de conférences à l’université de Bourgogne Le livre : Antivax. La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Tallandier, 2019.

La discussion : la défiance française envers les vaccins (1’) ; le contexte du XVIIIe siècle où la variole est d’une grande dangerosité (2’) ; les pratiques d’inoculation contre la variole, venues de l’empire ottoman (3’30) ; les craintes liées à une pratique contre-intuitive, consistant à introduire la maladie dans l’organisme pour s’en prémunir, à une époque où l’on ne connaît pas les micro-organismes (5’05) ; les raisonnements des mathématiciens des Lumières soutenant l’inoculation, et les dilemmes de la protection individuelle / collective (7’55) ; la pratique de l’inoculation en lien avec les statuts sociaux des médecins, chirurgiens, barbiers (10’15) ; l’intérêt des élites pour cette pratique, mais des expérimentations faites sur des populations reléguées et dominées comme les prisonniers (11’50) ; ainsi, l’inoculation presque systématique des esclaves (14’00) ; des interrogations redoublées par la vaccination mise au point par Jenner à la fin du XVIIIe siècle (15’15) ; les craintes de la « minotaurisation » et les premiers opposants aux vaccins (17’30) ; l’enrichissement de Jenner ou Pasteur comme objet de soupçon, thème structurant du discours anti-vaccinal (18’50) ; les questions d’identité nationale qui font parfois obstacle aux vaccins, à l’époque napoléonienne notamment (20’05) ; une hostilité à la vaccination qui relève plus largement d’une défiance envers l’État, dans les campagnes en particulier (21’25) ; la Grande-Bretagne comme lieu maximal des conflits autour de la vaccination, faisant éclore des débats sur l’habeas corpus et l’objection de conscience (22’45) ; des liens entre mouvements ouvriers et antivaccinisme (26’35) ; et même avec le féminisme (28’30) ; le nouveau contexte de la médecine pastorienne, qui suscite des résistances importantes, et les méthodes parfois peu avouables de Pasteur (30’20) ; l’accident vaccinal comme argument des opposants aux vaccins, et la naissance de l’idée de consentement des patients dans les années 1930 (33’50) ; les liens entre antivaccinisme et thérapies « alternatives », ainsi que la perméabilité partielle du nazisme à l’antivaccinisme (36’50) ; le moment de l’après-Grande Guerre comme apogée de l’obligation vaccinale, dans la sphère militaire mais aussi coloniale (38’45).

Les références citées :
Yves-Marie Bercé, Le Chaudron et la lancette : croyances populaires et médecine préventive, 1798-1830, Paris, Presses de la Renaissance, 1984.
– Grégoire Chamayou, Les corps vils. Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe et XIXe siècles, La Découverte, coll. « Les empêcheurs de penser en rond », 2008.
– Pierre Darmon, La longue traque de la variole : les pionniers de la médecine préventive, Paris, Perrin, 1985.
– Catriona Seth, Les rois aussi en mouraient. Les Lumières en lutte contre la petite vérole, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « L’esprit des lettres », 2008.“The cow-pock, or : The wonderful effects of the new inoculation”, caricature de James Gillray (1802)

Le conseil de lecture : Nadia Durbach, Bodily Matters: The Anti-Vaccination Movement in England, 1853-1907, Durham, Duke UP, 2005.

40. Poésie et politique: Le Roman inachevé d’Aragon, avec Romain Ducoulombier

L’invité : Romain Ducoulombier, historien et enseignant

L’œuvre discutée : Louis Aragon, Le roman inachevé, 1956

La discussion : le contexte de l’année 1956 et d’une remise en question du stalinisme, avec notamment le rapport secret de Khrouchtchev au XXe Congrès du PCUS (2’25) ; la position intellectuelle et politique d’Aragon à cette date (4’35) ; le statut du recueil, entre roman, autobiographie, fiction (7’05) ; les thèmes du masque, du double, et les formes de dérobade dans l’ouvrage (9’25) ; l’importance du long séjour en URSS dans les années 1930 (12’20) ; un rapport au communisme marqué par une tension vers l’avenir (13’45) ; l’absence de Staline du recueil (15’50) ; l’importance de la Grande Guerre pour Aragon (17’50) ; ses origines familiales complexes et déguisées (21’30) ; un passage dans les troupes d’occupation en Allemagne (22’50) ; la période surréaliste (24’30) ; l’entrée en communisme vécue sur le mode de la croyance (27’45) ; la tension entre engagement politique et expérience amoureuse, avec Elsa Triolet (29’45) ; la présence de la Résistance dans le recueil, à travers en particulier les “Strophes pour se souvenir” (32’40) ; l’évocation du 6 février 1934 et du Front Populaire (37’25) ; les formes de désenchantement vis-à-vis du communisme (39’50).

Les références citées dans l’émission:

– colloques lycéens : Héros et monstres ; Rêves et cauchemars
– Romain Ducoulombier, Histoire du communisme, Paris, PUF, “Que sais-je?”, 2014.
– Romain Ducoulombier et Jean Vigreux (dir.), Le PCF, un parti global (1919/1989). Approches transnationales et comparées, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 2019.

Les conseils de lecture :
– Nicolas Patin, Krüger, un bourreau ordinaire, Paris, Fayard, 2017.
– Fabrice Grenard, Une légende du maquis: Georges Guingouin, du mythe à l’histoire, Paris, Vendémiaire, 2018.

 

36. Super-héros, une histoire politique, avec William Blanc

L’invité : William Blanc, historien

Le livre : Super-héros, une histoire politique, Montreuil, Libertalia, 2018La discussion : les origines de ce travail sur les super-héros (1’20), et le lien entre médiévalisme et super-héros via la table ronde notamment ; l’imaginaire du château lié aux villains que combattent les super-héros (3’45) ; la fluidité des supports (dessins, films, jeux) à prendre en compte (5’20) ; la naissance de super-héros et leurs créateurs souvent immigrés et progressistes (6’50) ; des premiers comics dotés d’une conscience sociale (8’) ; l’opposition entre les créations d’Edgar Rice Burroughs (Tarzan, John Carter) et les héros de comics comme Superman (9’) ; l’ambiguïté constitutive de ces personnages (11’05) ; Wonder Woman et son créateur original, féministe à son époque, William Marston (13’15) ; l’évolution du personnage et le tournant conservateur qui lui est imprimé (16’) ; la mobilisation antifasciste des super-héros dans la Seconde Guerre mondiale, dont Captain America créé par Jack Kirby, dans un contexte de présence nazie aux États-Unis (17’40) ; les restrictions apportées par la loi française de 1949 et le Comics code de 1954 (22’20) ; les transformations liées aux comics de Marvel dans les années 1960, autour de la présidence Kennedy (26’55) ; la naissance de Black Panther en lien avec le mouvement des droits civiques (30’20) ; les doutes des années 1970 liés à la guerre du Vietnam et au Watergate (35’50) ; le personnage du Punisher, reflet de ces évolutions et symbole du vétéran traumatisé comme d’un changement de rapport aux armes à feu (37’15) ; un désenchantement vis-à-vis de l’État aussi marqué durant la période (41’20) ; les usages récents du Punisher par des soldats ou des policiers (45’30); que se passera-t-il dans Avengers Endgame ? (48’10).

Les références citées dans le podcast :
Le podcast Villains de Shea Serrano.
– William Blanc, Le Roi arthur , un mythe contemporain de Chrétien de Troyes à Kaamelott en passant par les Monty Python, Montreuil, Libertalia, 2016.
– Jill Lepore, The Secret History of Wonder Woman, Random House, 2015.