52. L’esclavage médiéval, avec Sandrine Victor

L’invitée : Sandrine Victor, maître de conférences à l’institut universitaire d’Albi

Le livre : Les fils de Canaan. L’esclavage au Moyen âge, Paris, Vendémiaire, 2019.

La discussion :
Sur l’esclavage médiéval – l’origine du livre et la curiosité pour la présence des esclaves sur les chantiers médiévaux ; la présence parfois effacée de l’esclavage dans l’historiographie ; les grands débats portant sur le Moyen âge comme sortie de l’antiquité esclavagiste ; l’ambiguïté fondamentale du vocabulaire médiéval de l’esclavage et les difficultés qu’il pose aux historien·ne·s ; la phase initiale du Haut moyen âge où les codes barbares attestent le maintien de l’esclavage ; une définition de l’esclavage et les distinctions à faire avec le servage, en particulier de provenance géographique ; la distinction entre société esclavagiste et société à esclaves ; la difficile quantification de la part des esclaves ; le regard porté sur la Méditerranée médiévale, central pour le dossier de l’esclavage, et la géographie du trafic avec ses plaques tournantes (Verdun, Gênes…) ; les continuités entre esclavage médiéval et traite moderne se développant au XVIe siècle ; la place des esclaves dans la vie économique, en ville en particulier ; les justifications données à l’esclavage, sur le plan religieux notamment ; les possibilités d’affranchissement, limitées par un stigmate persistant ; la rareté des révoltes serviles.

Sur l’incendie de Notre-Dame – le choc provoqué par l’incendie ; les possibilités qu’il offre pour renouveler les connaissances ; la nécessité de prendre le temps de l’étude, de la réflexion et du débat pour savoir que qui pourra / devra être reconstruit.

Les conseils de lecture :
-Olivier Grenouilleau, Qu’est-ce que l’esclavage? Une histoire globale, Paris, Gallimard, 2014.
-Fabienne Guillen, Salah Trabelsi (dir.), Les esclavages en Méditerranée. Espaces et dynamiques économiques, Madrid, Casa de Velazquez, 2012.
-Philippe Bernardi, Bâtir au Moyen âge, Paris, CNRS éditions, 2011.

51. Délices du feu et morsures du froid dans la France d’Ancien régime, avec Olivier Jandot

L’invité : Olivier Jandot, agrégé et docteur en histoire moderne, enseignant au lycée Gambetta-Carnot d’Arras et à l’Université d’Artois

Le livre : Les délices du feu. L’homme, le chaud et le froid à l’époque moderne, Champ Vallon, 2018.

La discussion : l’effort de contextualisation et d’imagination à produire pour comprendre les notations du passé concernant le froid et l’hiver ; le « grand hiver » de 1709 et les raisons de sa notoriété ; la nécessité de croiser les sources (médicales, du for privé) pour comprendre ce rapport au froid, et l’utilisation des sources iconographiques, en lien avec les travaux des médiévistes ; la vulnérabilité face au froid des sociétés anciennes, illustrée par la régularité des morts de froid ; l’absence d’isolation thermique de l’habitat ancien, compensée par des « espaces gigognes » ; la fracture géographique et culturelle entre cheminées et poêles ; la nécessité d’économiser le bois, et de se chauffer avec des combustibles de substitution ; un enjeu social qui s’aggrave avec une crise forestière perçue au XVIIIe siècle ; les instruments de chauffage portatifs ; la persistance de ce rapport au froid tard au XXe siècle, illustrée par la chanson « Bonhomme » de Georges Brassens (1958, extrait sonore) avec le bois mort, « chauffage du pauvre » ; un rapport à la chaleur socialement différencié mais qui touche aussi les puissants ; a chaleur humaine et animale comme solution face au froid ; l’évolution majeure décelable au XVIIIe siècle à partir notamment de la Mécanique du feu de Nicolas Gauger (1713) ; la circulation des savoirs (Benjamin Franklin) avec une prise en compte scientifique de la chaleur ; un discours critique sur la demande sociale de chaleur, lisible chez Rousseau par exemple.

Musique de générique : Henry Purcell (livret de John Dryden), King Arthur, 1691, interprété par le Deller Consort (Nigel Beavan, basse), acte III, « Air du froid »

COLD GENIUS
What power art thou, who from below
Hast made me rise unwillingly and slow
From beds of everlasting snow?
See’st thou not how stiff and wondrous old,
Far unfit to bear the bitter cold,
I can scarcely move or draw my breath?
Let me, let me freeze again to death.

Les conseils de lecture :
– André Bucher. Déneiger le ciel. Sabine Wespieser, 2007.
– Françoise Waquet, Histoire émotionnelle des savoirs, CNRS, 2019.

 

50. Sport et création artistique à l’époque soviétique, avec Julie Deschepper et Sylvain Dufraisse

Les invités : Julie Deschepper, doctorante à l’Inalco ; Sylvain Dufraisse, maître de conférences à l’Université de Nantes

L’exposition et le livre:

“Rouge. L’art au pays des soviets” (Grand Palais, jusqu’au 22juillet 2019)

Les héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930 – années 1980), Champ Vallon, 2019.

La discussion : pourquoi il faut voir l’exposition « Rouge », d’une grande richesse en termes d’œuvres exposées, et de variété de formes artistiques (1’) ; un art qui ne se réduit pas à ses dimensions officielles ou « totalitaires » (3’) ; parmi ces œuvres, celles consacrées aux corps, allant de la biomécanique de Meyerhold à la promotion de la vigueur physique (5’) ; d’autres qui illustrent la violence stalinienne (7’10) ; la césure muséographique entre 1er niveau de l’exposition (années 1920) et second niveau (années 1930) à interroger (8’50) ; la complexité des années 1930 avec l’ouverture aux loisirs « modernes » comme le parachutisme (10’15) ; le concept moins simple qu’il n’y paraît de « réalisme socialiste » (13’40) ; certaines continuités entre les années 1920 et 1930 en matière de figuration et de représentation (18’40) ; l’accent bienvenu mis sur l’architecture et l’espace public dans l’exposition (21’) ; les reconfigurations de la ville socialiste dans un contexte de pénuries de logements (24’) ; les artistes et sportifs comme « promus » (Nicolas Werth) dans la société soviétique (27’15) ; le concept de kultur’nost ou de « civilisation » soviétique ; les contradictions du sport de compétition dans une société collectiviste (30’) ; la nécessité d’éviter une lecture trop monolithique du régime soviétique, pour comprendre les discussions ou compétitions entre organes (34’35) ; la façon dont l’URSS se construit au contact de l’étranger et de l’Ouest (avec le fait de quitter ou de rejoindre les fédérations sportives « bourgeoises » ou le CIO) (41’30) ; l’URSS qui attire des sportifs « marginaux » comme Jules Ladoumègue dans les années 1930 (43’) ; les problèmes que posent les voyages des sportifs soviétiques à l’étranger (46’) ; un retour critique sur l’idée de « stagnation » à l’ère brejnevienne (51’10), les conseils de lecture.

Les références citées dans l’émission :

« Rouge ! L’art au pays des soviets », documentaire d’Arte (A. Minard)
– Michael David-Fox, Showcasing the Great Experiment. Cultural Diplomacy and Western Visitors to the Soviet Union, 1921‑1941, Oxford University Press, 2012.
– Sabine Dullin, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940), Paris, Éditions de l’EHESS, 2014.
– Marc Elie et Isabelle Ohayon, « L’expérience soviétique à son apogée », Cahiers du monde russe, 54/1-2, 2013.
– Emila Koustova, « Les fêtes révolutionnaires russes entre 1917 et 1920. Des pratiques multiples et une matrice commune », Cahiers du monde russe, 47/4, 2006.
– Cécile Pichon-Bonin, Peinture et politique en URSS : l’itinéraire des membres de la Société des artistes de chevalet (1917-1941), Dijon, Les Presses du réel, 2013.
– Travaux de Valérie Pozner sur le cinéma

Les conseils de lecture :

– Ilf et Petrov, Le veau d’or
– Gianni Haver, Jean-François Fayet, Valérie Gorin, Emilia Koustova (dir.), Le spectacle de la Révolution. La culture visuelle des commémorations d’Octobre, Lausanne, Antipodes, coll. « Univers visuels », 2017
– Sheila Fitzpatrick, Le stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30, Paris, Flammarion, 2002.

48. Intimités catholiques au XIXe siècle, avec Caroline Muller

L’invitée : Caroline Muller, maîtresse de conférences à l’Université de Rennes-2.

Le livre : Au plus près des âmes et des corps. Une histoire intime des catholiques au XIXe siècle, Paris, PUF, 362 p., 2019.

La discussion : la direction de conscience, une pratique sociale et religieuse qui se constitue au XIXe siècle ; une Église très préoccupée des « mauvaises lectures » ; la constitution d’un corpus de sources et ses difficultés, à travers notamment les fonds de l’Association pour l’autobiographie ; la façon de décrypter les correspondances formant le matériau de l’ouvrage, et les vertus de la lassitude dans la lecture des sources ; faire l’histoire du catholicisme en devant s’approprier de l’extérieur les codes et les vocabulaires de la religion ; le paradoxe d’une pratique religieuse qui ouvre des marges de liberté aux femmes qui y ont recours ; l’ancrage social de ce travail au sein des élites sociales ; des ressemblances avec la relation contemporaine à un « psy » ; la complexité des relations ainsi nouées entre ces hommes et ces femmes, et le cas de l’exubérante Marie Rakowska ; l’importance des arrangements matrimoniaux, et la place attribuée au mariage d’« amour » ; les problèmes de sexualité qui affleurent dans ces sources ; le comptage (des coïts, des masturbations…) comme instrument de l’écriture de soi ; les évolutions diachroniques décelables dans le corpus ; les choix d’écriture qui ont présidé à la thèse et au livre.

Les références citées dans le podcast :
– Loïc Artiaga, Des torrents de papier. Catholicisme et lectures populaires au xixe siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2007.
– Guillaume Cuchet, Faire de l’histoire religieuse dans une société sortie de la religion, Paris, Publications de la Sorbonne (« Itinéraires », 4), 2013.
– Isabelle Matamoros, Mais surtout, lisez !

Le conseil de lecture : Hélène Dumas, Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, 2014.

43. L’internationalisme ouvrier au XIXe siècle, avec Nicolas Delalande

L’invité : Nicolas Delalande, professeur au Centre d’histoire de Sciences Po

Le livre : La Lutte et l’entraide. L’Âge des solidarités ouvrières, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2019.La discussion : comment on passe d’une histoire de l’impôt, de l’État, à celle de l’internationalisme ouvrier (1’05) ; l’inscription dans l’histoire transnationale et dans celle de la première mondialisation du XIXe siècle, où le mouvement ouvrier est directement confronté à l’ouverture des échanges (3’02) ; la relecture d’une historiographie élaborée en partie dans les années 1960-1970 et marquée alors par des questionnements surtout idéologiques et politiques (5’05) ; une première internationale marquée par des solidarités de métier (7’00) ; le paradoxe central travaillé par le livre : comment s’organiser, sur le plan financier notamment, sans reproduire l’institutionnalisation du monde bourgeois ? (8’50) ; l’imprégnation paradoxale des syndicalistes anglais par la morale victorienne en matière de rapport à l’argent et de respectabilité (11’05) ; l’invention d’une solidarité ouvrière distincte de la charité ou de la philanthropie (13’20) ; le moment qui suit l’écrasement de la Commune comme mise à l’épreuve de ces pratiques (16’50) ; l’importance du crédit dans l’imaginaire et les pratiques socialistes de l’époque (18’10) ; l’extrême importance de la question migratoire dans la mise en place de l’internationalisme ouvrier, faisant écho aux débats actuels sur les « travailleurs détachés » ou le « dumping social » (22’20) ; la centralité de Londres, tant pour le capital que pour les militants ouvriers et révolutionnaires, et la fidélité des autorités britanniques au droit d’asile (27’07) ; les malentendus et les difficultés pratiques de l’internationalisme, face en particulier à la construction des États-nations (30’15) ; les débats sur la grève générale illustrant ces divergences (33’15) ; les mutations géographiques du second internationalisme des années 1880-1890, les États-Unis voire les colonies devenant des espaces à prendre en compte, compliquant le jeu des solidarités (37’30) ; dans quelle mesure les préoccupations contemporaines ont joué dans l’écriture du livre (42’55) ; l’adoption d’enfants comme pratique marquante de solidarité dès les années 1860-1870, réutilisée ensuite dans des contextes guerriers (travaux de Célia Keren sur la guerre d’Espagne) (45’15).

Le conseil de lecture : Mark Mazower, What You Did Not Tell: A Russian Past and the Journey Home, Londres, Allen Lane, 2017.

35. Contraception interdite dans la France des années 1950, avec Danièle Voldman et Annette Wieviorka

Les invitées : Danièle Voldman et Annette Wieviorka, directrices de recherche au CNRS

Le livre : Tristes grossesses. L’affaire des époux Bac (1953-1956), Paris, Seuil, 2019.

La discussion : présentation rapide de l’affaire des époux Bac (1:00) et des origines de cette recherche ; le contexte des années 1950 et d’un drame familial lié à une forme de misère sociale (6:10) ; un « drame du Baby-Boom » (Annette Wieviorka) ; retour sur la loi de 1920 qui interdisait la contraception et sa « propagande » et renforce la répression de l’avortement (11:55) ; les failles des pratiques contraceptives à l’époque (14:05) ; les avancées d’autres pays en la matière, et le parcours de la gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé (16:00) ;  des procès qui révèlent une justice plutôt équilibrée, et soucieuse de ne pas dédouaner le mari de ses responsabilités (18:45) ; le parcours carcéral des époux (21:25) ; un arrière-plan à l’affaire : le catholicisme encore enraciné dans la France des années 1950 (23:05) ; la convergence conservatrice en matière de contraception du monde médical, de l’Église catholique, mais aussi du parti communiste (25:50) ; le rôle du journaliste Jacques Derogy au sein du petit cercle qui commence à militer en faveur de la contraception, et à porter l’affaire sur la place publique dans les pages de Libération en 1955 (28:15) ; la naissance de l’association Maternité heureuse dans la foulée (31:00) ; les ressemblances et différences entre les contextes de cette affaire et de la loi Veil sur l’IVG en 1975 (34:15) ; le parcours de l’enquête et les difficultés liées aux sources parfois introuvables et aux dérogations pour consulter les archives (37:00) ; la dimension personnelle du travail et le fait d’avoir en partie vécu à la même période que cette affaire (42:55) ; l’écho du  film d’Henri Verneuil avec cette enquête (45:15).

Le conseil de film : Des gens sans importance d’Henri Verneuil (1956)

 

 

33. Naissance de l’imprimerie à Venise, avec Catherine Kikuchi

L’invitée : Catherine Kikuchi, maîtresse de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines, contributrice du site Actuel Moyen âge

Le livre : La Venise des Livres, 1469-1530, Champ Vallon, 2018.

La discussion : une démarche de recherche qui part de la question des imprimeurs allemands à Venise (1’45) ; la diffusion de l’imprimerie de l’Allemagne rhénane vers Venise au XVe siècle, difficile à retracer (2’45) ; l’espionnage industriel d’un Nicolas Jenson (4’15) ; la nécessité de déconstruire la notion englobante d’« imprimeur » pour approcher ce groupe social et sa complexité (5’30), un métier qui à l’origine n’est pas dans le cadre d’une corporation, posant la question des possibles mobilités sociales (7’40), l’usage des sources et en particulier des colophons, ces marques distinctives à la fin des livres (9’10), la méthode prosopographique, le corpus, et les résultats de l’enquête sur le plan des origines : un monde du livre marqué par la présence d’étrangers (10’10), les enjeux identitaires du fait de se dire « Allemand » ou « Italien » dans le contexte de l’humanisme européen (11′), les liens entre imprimeurs allemands et marchands dans le cadre notamment du Fondaco dei Tedeschi (12’40), la « condition d’incertitude » (S. Cerruti) des étrangers à la fin du Moyen âge (14′), le lectorat de Venise et le marché du livre tel que les sources le dessinent (15’30), les ressemblances et différences avec les livres moins coûteux imprimés à Paris (16′), le livre comme objet de luxe, mais qui devient moins cher et plus accessible au cours de la période (17’25), les spécificités de l’imprimerie comme activité économique, et les gros investissements en capital que cela nécessite, ainsi que la fragilité qui en découle (19’05), les stratégies d’enracinement et de transmission familiales des entreprises (22’40), l’articulation entre tensions (voire violences) et solidarités au sein du groupe (24’15), ce que dit le monde du livre des pouvoirs vénitiens (26’50), les multiples langues et alphabets d’impression (grec, cyrillique, glagolitique…) et les situations que cela recouvre (29’30), les traces de ces imprimeurs dans la Venise d’aujourd’hui, leurs sépultures notamment (34′), les éclairages de l’histoire du livre sur les enjeux contemporains (36’30), la place de cette recherche : histoire moderne, médiévale, du « long Moyen âge » ? et pourquoi le terme de « Renaissance » n’y correspond pas ? (37’20)

Les références citées dans le podcast :
Claire Lemercier et Emmanuelle Picard, « Quelle approche prosopographique ? »
– Philippe Braunstein, Les Allemands à Venise (1380-1520), Rome, École française de Rome, 2016.
– Simona Cerruti, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Paris, Bayard, 2012
– Martin Lowry, Le monde d’Alde Manuce. Imprimeurs, hommes d’affaires et intellectuels dans la Venise de la renaissance, Évreux, Cercle de la Librairie, 1989.

Le conseil de lecture : Henri-Jean Martin et Lucien Febvre, L’apparition du livre, 1957

32. Le « Maitron », un monument de l’histoire sociale désormais en libre accès, avec Paul Boulland

L’invité : Paul Boulland, ingénieur de recherches au CNRS, Centre d’Histoire Sociale du XXe siècle.

L’événement : le site et dictionnaire Maitron passe en libre accès !

La discussion : présentation du Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (0’50) ; la journée Maitron du 5 décembre 2018 et la mise en ligne en libre accès du site et du dictionnaire (1’50) ; la vie, le travail et le militantisme (principalement au PCF) de Jean Maitron (4’00) ; la genèse du projet de dictionnaire dans les années 1950 (8’40), et sa dimension initiale d’histoire mondiale ; autour du « Maitron » et de la revue Le mouvement social, l’entrée de l’histoire sociale et ouvrière à l’université dans les années 1960-1970 (10’35) ; un dictionnaire qui fait se rencontrer univers militant et histoire scientifique (13’) ; la « dignification » (Bernard Pudal) du monde ouvrier qui en résulte ; les archives et sources plus denses du XXe siècle et notamment du PCF (19’30) ; l’élargissement du Maitron à d’autres thèmes et corpus, par professions ou moments (cheminots, fusillés de la 2e GM…) ; la place des femmes dans le Maitron, en partie tributaire de leur (in)visibilité dans les sources policières et militantes (25’) ; le passage du dictionnaire papier au CD-Rom puis au site internet (27’15) ; les questions d’indexation et de métadonnées (28’00) ; les usages à venir du Maitron pour les chercheurs-ses et enseignant-e-s du secondaire (31’45) ; un outil historiographique avec la présence de beaucoup d’historien-ne-s dans le Maitron, ainsi que d’artistes (33’35) ; un dictionnaire ouvert et encore en voie d’enrichissement , au-delà de la date butoir de 1968 (34’) ;

Les conseils de lecture :

Javier Cercas, L’imposteur, Arles, Actes sud, 2015
Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière, Paris, Grasset, 2012. Biographie de Lucie Baud sur le Maitron.
Paul Boulland, Des vies en rouge. Militants, cadres et dirigeants du PCF (1944-1981), Éditions de l’Atelier, 2016

29. Revoir La Grande Illusion, avec Evelyne Gayme

L’invitée : Evelyne Gayme, professeur en lycée, docteure en histoire avec une thèse sur les prisonniers de guerre

Le film : La Grande Illusion, de Jean Renoir (1937)

 

 

 

 

 


La discussion :
les origines du scénario, entre souvenirs de la Grande Guerre, récits du général Pinsard, et expériences du frère du coscénariste Charles Spaak (1’20) ; les accusations de plagiat lors de la sortie du film (4’25) ; le contexte de sortie (4’50) : la France et l’Europe de 1937 ; la politisation de Renoir à l’époque du Front Populaire ; la réception compliquée du film à l’étranger dans les dictatures (6’10) ; un film retiré des écrans durant la Seconde Guerre mondiale (6’50) ; les différentes versions du film et la ressortie compliquée de 1946 (8’35) ; les thèmes du film : rapprochements et cloisonnements entre les êtres et les pays (9’40) ; un passage en revue des différents personnages (10’15) : Maréchal, De Boëldieu, Rosenthal, von Rauffenstein ; les réalités de la captivité militaire, dure et normée (16’45) ; la question des langues de communication et de l’intercompréhension difficile entre personnages (19’10) ; les relations entre geôliers et captifs associant dureté et humanité (22’05) ; les nouvelles (et rumeurs) qui évoquent la guerre (23’30) et le paradoxe d’un film de guerre sans combats ; la mise en scène des rapports sociaux et des repas et discussions (26’45) ; la tension clef du film entre clivages sociaux et clivages nationaux (27’30) ; la séquence du travestissement et la question de l’absence des femmes et du trouble que la guerre provoque dans le genre (28’40) ; le personnage de Rosenthal et le problème de l’antisémitisme qu’il véhicule ou combat (31’40) ; le rapport à la guerre d’un film teinté de pacifisme (35’20) ; l’image complexe des prisonniers dans l’entre-deux-guerres et ensuite (38’35).

Les études sur le film :
– Olivier Curchod, La Grande Illusion, Paris, Armand Colin, 2005
– Julian Jackson, La Grande Illusion, New York, Palgrave Macmillan/British Film Institute, 2009.

Les conseils de visionnage et de lecture (bandes dessinées) :
-Jean Renoir, Le caporal épinglé (1962)
– FOURNIER et KRIS, Plus près de toi, Paris, Dupuis, collection Aire libre, 2017.
– SILLORAY Florent, Le Carnet de Roger, Paris, Editions Sarbacane, 2011.
– TARDI Jacques, Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B, Paris, Casterman, 2012.
– TARDI Jacques, Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B, mon retour en France, Paris, Casterman, 2014.
– RABATÉ Pascal, La Déconfiture, Paris, Futuropolis, 2018.

27. Persécution et survie des juifs sous Vichy, avec Laurent Joly et Jacques Semelin

Les invités : Laurent Joly directeur de recherches au CNRS, Jacques Semelin, directeur de recherches émérite au CERI

Les livres :
– Laurent Joly, L’État contre les juifs. Vichy, les nazis et la persécution antisémite, Paris, Grasset, 2018.
– Jacques Semelin, La survie des juifs en France 1940-1944, Paris, CNRS éditions, 2018.

 

 

 

 

 

La discussion : la situation des deux ouvrages au regard de l’historiographie, et des travaux antérieurs, en particulier de Robert Paxton (2’10), la nécessité de réintroduire l’occupant allemand dans la lecture de la période, notamment pour le statut des juifs d’octobre 1940 (3’30), le rapport de Jacques Sémelin à Paxton mais aussi au livre de Renée Poznanski, pour poser la question des « 75% » de juifs de France n’ayant pas été déportés (4’40), l’importance de travailler sur l’opinion sous l’occupation (7’20), l’attention qu’il faut porter aux contextes changeants de l’occupation, suite aux changements de gouvernements ou d’institutions (7’50), l’attention à prêter également aux anticipations de l’avenir : l’Allemagne va-t-elle gagner la guerre ? (10’10), les enjeux de la géographie spécifique de l’occupation : flux humains liés à la débâcle, multiplicité des zones, dispersion géographique des juifs, trajets villes-campagnes… (11’15), les particularités géographiques, historiques, stratégiques de la France dans l’Europe hitlérienne, qui expliquent partie le chiffre de « 75% » (14’15), les paradoxes de la vie des juifs sous l’occupation, pour certains cachés et clandestins, pour d’autres vivant légalement voire scolarisés comme à Paris, pour beaucoup réfugiés à la campagne (17’20), posant la question de l’attitude des populations : silence passif, complice ? Quel degré d’antisémitisme ? (21’10) Et plus généralement quelles attitudes moyennes de part et d’autre des engagements résistants et collaborateurs explicites ? (22’00) la question de la délation comme point d’entrée pour poser ces questions (23’20), la rafle du Vel d’Hiv, perçue comme un échec par Vichy et les nazis (24’35), et que l’on peut relire en scrutant les marges de manœuvre des policiers qui la mènent et y participent (26’50), l’importance du carriérisme pour comprendre l’attitude nombre de fonctionnaires sous Vichy (29’50), une relecture du degré d’antisémitisme en France, à travers les basculements de l’opinion et d’une partie du clergé à l’été 1942 (30’30), l’importance de la xénophobie comme motif aux politiques de persécution (33’45), l’idée fausse selon laquelle Vichy n’aurait pas fait arrêter des juifs français, même si sa xénophobie a conduit à cibler d’abord les juifs étrangers (36’10), le contre-exemple du Danemark, où l’État comme la société civile ont été davantage protecteurs (41’50), le paradoxe d’une politique antisémite de Vichy définie et appliquée par des dirigeants et fonctionnaires non marqués par la tradition antisémite française d’extrême droite (43’40), la nécessité de porter un regard à la fois nuancé et sans concession sur Vichy (45’20), un contexte contemporain nouveau et délétère, entre rééditions de Maurras ou Céline et succès de Zemmour (47’45).

Les références citées dans le podcast (par ordre de parution) :
Robert Paxton, La France de Vichy, Paris, Seuil, 1973.
– Michael Marrus et Robert Paxton, Vichy et les juifs, Paris, Calmann-Lévy, 2015 (2e éd.) [1981].
– Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz. Le rôle de Vichy dans la solution finale de la question juive en France, Paris, Fayard, 1983.
– Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Paris, Fayard, 1988.
– Asher Cohen, Persécutions et sauvetages. Juifs et Français sous l’Occupation et sous Vichy, Paris, Cerf, 1993.
– Pierre Laborie, « 1942 et le sort des Juifs : quel tournant dans l’opinion ? », Annales ESC, 1993, 48-3, p. 655-666.
– Renée Poznanski, Être juif en France pendant la Seconde guerre mondiale, Paris, Hachette, 1994.
– Barbara Lambauer, Otto Abetz et les Français ou l’envers de la Collaboration, Paris, Fayard, 2001.
– Tal Bruttmann, Au bureau des Affaires juives. L’administration française et l’application de la législation antisémite (1940-1944), Paris, La découverte, 2006.
– Nicolas Mariot et Claire Zalc, Face à la persécution. 991 juifs dans la guerre, Paris, Odile Jacob, 2010
– Gael Eismann, Hôtel Majestic. Ordre et sécurité en France occupée, 1940-1944, Paris, Tallandier, 2010.
– Laurent Joly, Dénoncer les juifs sous l’Occupation. Paris 1940-1944, Paris, CNRS éditions, 2017.

Les conseils de lecture :
– Hélène Hoppenot, Journal (1936-1940), Paris, éditions Claire Paulhan, 2015.
– Jacques Sémelin : Françoise Fraenkel, Rien où poser sa tête, Paris, Gallimard, 2015.