208. L’histoire soviétique au miroir de la psychiatrie, avec Grégory Dufaud

L’invité : Grégory Dufaud, historien spécialiste de l’URSS

Le livre : Une histoire de la psychiatrie soviétique, Paris, éditions de l’EHESS, 2021.

 

La discussion :

  • Le premier sujet de recherche de Grégory Dufaud, les Tatars de Crimée (1:10)
  • Les contradictions qu’ils illustrent entre projet bolchevik et construction nationale (4:00)
  • Le déplacement de la recherche vers la psychiatrie soviétique (7:00)
  • L’organisation non chronologique du livre (10:00)
  • Une histoire de l’URSS ayant dépassé les paradigmes « totalitaire » et « révisionniste » (12:00)
  • La convergence partielle entre les préoccupations des bolcheviks et celles de certains psychiatres (16:00)
  • Le dénuement matériel de la psychiatrie soviétique (18:00)
  • Les liens entre fragilité sociale et fragilité psychique (19:30)
  • Comment les psychiatres soviétiques ont traversé les épisodes répressifs ? (22:30)
  • La place de la psychanalyse en URSS (24:00)
  • L’URSS plus ouverte aux échanges qu’on ne l’imagine parfois (26:45)
  • Par quelles sources approcher le quotidien des patients et internés ? (31:00)
  • Un extrait de film de Dziga Vertov
  • L’asile psychiatrique, espace paradoxal de liberté au plan politique ? (35:00)
  • Mais la réalité des internements forcés de l’ère brejnevienne (38:00)
  • Un travail mené en parallèle avec la publication du dernier livre de Larissa Zakharova, De Moscou aux terres plus lointaines (44:30)

Les conseils de lecture

  • Ilf et Petrov, Le veau d’or
  • Romans noirs d’Arkady et Gueorgy Vaïner,

 

203. Justiciers sommaires, avec Laurent Gayer et Gilles Favarel-Garrigues

Les invités : Laurent Gayer et Gilles Favarel-Garrigues, directeurs de recherche au CNRS (CERI-Sciences Po)

Le livre : Fiers de punir. Le monde des justiciers hors-la-loi, Paris, Seuil, 2021.

La discussion :

  • Le sujet du livre, l’auto-justice et ses différentes formes, pratiquée par des acteurs variés (1:40)
  • Un exemple de ces figures de « justicier », un encounter specialist de la police de Karachi, Rao Anwar (4:30)
  • Des actes d’auto-justice entre secret et médiatisation (6:50)
  • La violence punitive comme phénomène global aujourd’hui, avec des traductions en France (9:40)
  • Des éléments historiques pour penser ces actes : le charivari (11:30), l’« économie morale » (14:30)
  • Le double phénomène né aux États-Unis du lynchage (16:00) et du vigilantisme (21:20)
  • L’auto-justice, absente des États solidement installés, ayant réussi à obtenir le « monopole » weberien de la violence légitime ? (26:40)
  • Le recours à des peines ou supplices spectaculaires, en rupture avec la « sobriété punitive » identifiée par Michel Foucault ? (34:00)
  • Les contextes d’épuration et de sortie de guerre, propices à des formes d’auto-justice ? (35:50)
  • Les années 1970, moment de diversité maximale des « justiciers » autoproclamés (39:00)
  • Les déclinaisons culturelles de ces figures : Foxy Brown, Taxi Driver, The Punisher… dont les créateurs ont pris leurs distances avec les usages délétères du personnage (42:30)
  • Racines et logiques du vigilantisme contemporain, d’abord en Amérique latine (47:30) puis avec le tournant numérique (51:00)

Les références citées durant l’émission (par ordre alphabétique) :

  • James Allen (et. al.), Without Sanctuary – Lynching Photography in America, Palms Publishers, 2000
  • Tal Bruttmann et André Loez, « Watchmen, l’envers de l’histoire américaine », Paroles d’histoire n° 110, 15 avril 2020.
  • Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
  • Laurent Fourchard, Trier, exclure et policer. Vies urbaines en Afrique du Sud et au Nigeria, Presses de Sciences Po, « Académique », 2018.
  • David Garland, The Culture of Control : Crime and Social Order in Contemporary Society, Oxford, Oxford University Press, 2001.
  • Romain Le Cour Grandmaison, « « Vigilar y Limpiar ». Identification et auto-justice dans le Michoacán, Mexique [1] », Politix, 2016/3 (n° 115), p. 103-125. URL :
  • Dominique Linhardt, “Un monopole sous tension: les deux visages de la violence d’Etat”, 2019
  • Harel Shapira, Waiting for José: The Minutemen’s Pursuit of America, Princeton, N.J.: Princeton University Press, 2013.
  • Edward P. Thompson, « The moral economy of the English crowd in the Eighteenth Century », Past & Present, 50, 1971, p. 76-136, trad., « L’économie morale de la foule dans l’Angleterre du XVIIIe siècle », dans E. P. Thompson, Florence Gauthier, Guy-Robert Ikni et al. (éd.), La guerre du blé au XVIIIe siècle : la critique populaire contre le libéralisme économique, Montreuil, Éditions de la passion, 1988, p. 31-92; cf. D. Fassin « Les économies morales revisitées », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2009/6 (64e année), p. 1237-1266.
  • Edward P. Thompson, « “Rough Music” : le charivari anglais », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 27ᵉ année, n°2, 1972, p. 285-312.

Les conseils de nos invités :

  • Atreyee Sen, Shiv Sena Women. Violence and Communalism in a Bombay Slum, Indiana University Press, 2007.
  • Mathew Heineman, Cartel land, film documentaire de 2015.

175. Buczacz, anatomie d’un génocide, avec Omer Bartov et Tal Bruttmann

L’invité: Omer Bartov, professeur à l’université Brown

Le livre: Anatomie d’un génocide. Vie et mort dans une ville nommée Buczacz, Paris,  Plein jour éditions, 2021 [2018]

La discussion:

  • Préface et présentation d’Omer Bartov, par Tal Bruttmann, historien, spécialiste de la Shoah
  • La 1e question de l’entretien porte sur la localisation de la ville de Buczacz étudiée dans le livre, aujourd’hui en Ukraine, et qui a varié dans l’histoire
  • Le livre comporte un aspect intime d’histoire familiale, comme ceux de Daniel Mendelsohn et Philippe Sands, j’ai demandé à Omer Bartov la place de cette dimension dans son ouvrage
  • La question suivante porte sur la durée de la recherche et la difficulté de brasser des matériaux dans de nombreuses langues
  • L’histoire de Buczacz paraît linéaire avec une explosion inéluctable de la violence : d’où ma question, est-ce qu’il y a des moments de bifurcation, après lesquels cette histoire aurait pu se dérouler autrement ?
  • Cette idée que la 1e GM constitue un tournant pour l’Europe de l’est et du sud-est, radicalisant les antagonismes, Omer Bartov l’a développée dans un projet collectif dirigé avec Eric Weitz, Shatterzone of empires, la zone d’effondrement des empires, il explique maintenant ces logiques
  • La question suivante porte de façon plus générale sur la manière dont la guerre fait s’effondrer les normes sociales et morales, ce qui était aussi l’un des aspects étudiés dans L’armée d’Hitler
  • Dans l’entre-deux-guerres à Buczacz on voit monter les nationalismes, ce qui pose un problème particulier pour les Juifs de Galicie : contrairement aux Ukrainiens et Polonais il leur est difficile de revendiquer ce territoire
  • La question suivante porte sur le rôle des aspects économiques et sociaux, de la pauvreté de cette région, dans les mécanismes de la violence, en lien avec le ressentiment des acteurs
  • Comme dit précédemment, la 2e GM commence à l’est de la Pologne, à Buczacz, avec l’occupation soviétique, de 1939 à 194 : un moment important parce que les Juifs se retrouvent associés au régime communiste
  • Un aspect très frappant des pages consacrées au génocide commis par les Allemands est que son déroulement est presque quotidien, avec des meurtres en pleine rue, de façon quasi constante, très loin de l’image parfois diffusée de la Hhoah, d’un crime de bureau et d’une organisation industrielle du meurtre de masse
  • J’ai ensuite posé à Omer Bartov la question de ses choix d’écriture, dans un chapitre qui n’est pas chronologique mais passe en revue des expériences individuelles et des portraits ; en demandant aussi quel lien il voyait entre son intégration des témoignages et celle faite par Saül Friedlander dans sa grande synthèse
  • Un des aspects terribles racontés dans le livre est cette sorte de dissonance cognitive chez les Allemands qui commettent des meurtres épouvantables ou y assistent, et vivent leur vie de famille tranquille en buvant du schnaps. Est-ce qu’on peut l’expliquer ?
  • Le livre confirme aussi, ce que l’on savait, à quel point ces crimes sont restés presque totalement impunis
  • La fin de l’occupation allemande ne signifie pas la fin de la violence, d’abord entre groupes nationalistes, puis en raison des politiques staliniennes
  • Une avant-dernière question qui porte sur les traces très minimes de ces événements à Buczacz et dans la région aujourd’hui
  • Pour finir, j’ai demandé à Omer Bartov sa réaction à la traduction en français de son livre

Travaux d’Omer Bartov

  • The Eastern Front, 1941–1945: German Troops and the Barbarization of Warfare, Palgrave Macmillan, 2001
  • Hitler’s Army: Soldiers, Nazis, and War in the Third Reich, Oxford Paperbacks, 1992; trad. fr. L’armée d’Hitler, La Wehrmacht, les nazis et la guerre, Paris, Hachette, 1999.
  • Murder in Our Midst: The Holocaust, Industrial Killing, and Representation, Oxford University Press, 1996
  • Mirrors of Destruction: War, Genocide, and Modern Identity, Oxford University Press, 2002
  • Germany’s War and the Holocaust: Disputed Histories, Cornell University Press, 2003
  • The “Jew” in Cinema: From The Golem to Don’t Touch My Holocaust, Indiana University Press, 2005
  • Erased: Vanishing Traces of Jewish Galicia in Present-Day Ukraine, Princeton University Press, 2007
  • (dir., avec Eric Weitz) Shatterzone of Empires: Coexistence and Violence in the German, Habsburg, Russian, and Ottoman Borderlands, Bloomington, Indiana University Press, 2013
  • The Holocaust: Origins, Implementation, Aftermath. Routledge, 2015
  • Anatomy of a Genocide: The Life and Death of a Town Called Buczacz, Simon & Schuster, 2018.
  • Voices on War and Genocide: Three Accounts of the World Wars in a Galician Town, Berghahn Books, 2020

Auteurs et ouvrages cités dans l’émission (par ordre alphabétique, en traduction)

  • Shmuel Yosef Agnon (prix Nobel de littérature 1966)
  • Saül Friedlander, L’Allemagne nazie et les juifs, 2 vol., Paris, Seuil, 2008.
  • Raul Hilberg, Exécuteurs, victimes, témoins. La catastrophe juive (1933-1945), Paris, Gallimard, 1994.
  • Timothy Snyder, Terres de sang. L’Europe entre Hitler et Staline, Paris, Gallimard, 2012.
    • Recension par Omer Bartov : “Bloodlands : Europe between Hitler and Stalin (Book review)”, Slavic Review, Vol. 70, No. 2 (Summer 2011), p. 424-428

 

 

141. Statues contestées #2 : aux sources de l’iconoclasme

Depuis mai 2020, à travers le monde, les statues et monuments ayant un lien avec le passé colonial et esclavagiste sont contestées et parfois renversées. Une irruption des enjeux mémoriels dans l’espace public qui fait l’objet de cinq émissions du podcast:

1. Tempête mémorielle dans l’espace public

2. Aux sources de l’iconoclasme

3. Antilles, États-Unis, les épicentres de la contestation

4. Tour du monde des statues renversées

5. Déboulonner, et après ?

La liste des textes, interviews et articles sur les statues contestées est à consulter ici, ainsi que cette liste établie par Liesbeth Corens

Liste des intervenantes et des intervenants :

129. Histoires de Tintin #6 : De l’autre côté du rideau de fer, avec Rachel Mazuy

L’invitée : Rachel Mazuy, chercheuse en histoire contemporaine

Le thème : Tintin de l’autre côté de Rideau de fer, dans Au pays des soviets (1929-1930) et L’affaire Tournesol (1954-1956)

La discussion :

  • Deux albums situés dans des contextes très différents, avec l’anticommunisme de l’entre-deux-guerres puis le climat de la guerre froide (1’)

Tintin au pays des soviets

  • Les caractéristiques de Tintin au pays des soviets (3’25)
  • L’anticommunisme de la Belgique, et ses spécificités d’époque (6’20)
  • Un récit qui est autant un récit d’aventures qu’un pamphlet idéologique (8’25)
  • La source d’inspiration principale d’Hergé : le livre de Joseph Douillet, Moscou sans voiles (11’40)
  • Le récit de voyage en URSS, genre installé quand écrit Hergé (13’30)
  • Une inspiration méconnue, le scout danois Palle Huld (15’45)
  • L’idée d’usines factices et de « villages Potemkine » (20’)
  • L’Allemagne, sur le chemin de la Russie (22’30)
  • Une Russie qui rappelle la guerre civile plus que les années 1920 (24’20)
  • Les apparences et vêtements (26’20)
  • Qui dirige la Russie d’Hergé ? (27’30)
  • Quelles ressources visuelles pour dessiner l’album ? (29’50)
  • Hergé parfois en-dessous de la réalité : les orphelins et enfants errants, la dékoulakisation… (31’)
  • Au-delà de l’anticommunisme, des clichés traditionnels sur la Russie (35’)

L’affaire Tournesol

  • Un album de guerre froide, qui transpose également un imaginaire lié à la Seconde Guerre mondiale (41’)
  • Quel pays de l’est représente la Bordurie ? (43’)
  • Un imaginaire marqué par la peur atomique (47’)
  • Une lecture « totalitaire » chez Hergé ? (51’)
  • L’atmosphère de surveillance qui règne en Bordurie (53’)
  • …mais des réalités quotidiennes éloignées de celles des pays de l’est (58’)
  • L’évolution de la représentation de ces pays dans la BD, avec le marquant Partie de chasse en 1983 de Bilal et Christin (1’01’00)

Références bibliographiques et filmées

123. La mort de Staline, farce noire sur l’URSS, avec Julie Deschepper

L’invitée : Julie Deschepper, historienne de l’URSS et post-doctorante à l’IUE

Le film : La mort de Staline, d’Armando Iannucci (2017)

La discussion :

  • Comment voit-on ce film quand on est une historienne de l’URSS ? (1’15)
  • Un film qui fonctionne comme une farce, mais avec un volet sombre (4’00)
  • Un film qui condense plusieurs contextes de la période stalinienne (8’00)
  • La représentation de Staline, avec une certaine banalité (10’35)
  • La représentation de la façon dont s’exerce le pouvoir au sein du groupe dirigeant stalinien (13’20)
  • L’incertitude qui saisit le groupe dirigeant suivant la mort de Staline (18’20)
  • La restitution plutôt fidèle des derniers moments de Staline, de la crainte d’appeler un médecin, dans le contexte du prétendu « complot des blouses blanches » (21’20)
  • Des dirigeants pas mécontents d’être débarrassés de Staline (25’45)
  • Les funérailles monumentales du dirigeant soviétique (28’20)
  • Où se trouve Staline aujourd’hui ? (30’45)
  • Quelle émotion à la mort de Staline ? (33’)
  • La diminution de la violence répressive dans ce contexte, et les débuts de libéralisation sous Khrouchtchev (36’)
  • Joukov, le rôle de l’armée, et le souvenir de la « grande guerre patriotique » (40’)
  • Les enfants de Staline, détraqués et ineptes (44’)
  • Une scène emblématique : lorsqu’on cherche une petite fille pour poser avec Malenkov, comme avec Staline, sur la photo officielle (47’45)
  • Un film censuré en 2018 en Russie (50′)

Les conseils de lecture :

  • Sheila Fitzpatrick, La Russie soviétique dans les années 30, Paris, Flammarion, 2002 ; id., Dans l’équipe de Staline, Paris, Perrin, 2018.
  • Oleg Khlevniuk, Staline, Paris, Gallimard, Folio, 2019.
  • Natacha Laurent, L’œil du Kremlin. Cinéma et censure en URSS sous Staline,  Toulouse, Privat, 2000
  • Fact-checking détaillé du film
  • Documentaire La mort de Staline / State funeral, de Sergei Loznitsa
  • Petite liste des représentations de Staline au cinéma
  • Critique de la BD originelle

88. Quand le Parlement européen (ré)écrit l’histoire, avec Christine Cadot et Sarah Gensburger

Les invitées: Christine Cadot, Maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris 8; Sarah Gensburger, Chargée de recherche au CNRS, directrice adjointe de l’Institut des sciences sociales du politique

Le sujet : Résolution du Parlement européen du 19 septembre 2019 sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe

La discussion :

  • Une résolution du Parlement européen qui écrit de façon confuse l’histoire de la Seconde Guerre mondiale (1’50)
  • La journée commémorative du 23 août « en hommage aux victimes des régimes totalitaires », peu connue, (3’35)
  • Les « bonnes » intentions derrière ces dispositifs mémoriels (5’10)
  • Les changements mémoriels avec l’élargissement à l’est de l’Union européenne en 2004, qui conduit à inclure le communisme dans le « plus jamais ça » européen (6’30)
  • Le « pilier mémoriel » de l’élargissement de l’Europe, et les effets contre-productifs de certaines politiques mémorielles (9’30)
  • L’idée que la mémoire européenne ferait une appartenance européenne commune (13’30)
  • Une autre journée commémorative européenne, pour les attentats, le 11 mars (14’15)
  • Le rapport compliqué à la Russie actuelle dont témoigne le texte du Parlement européen (16’15)
  • La façon dont les instances européennes s’emparent des enjeux mémoriels, comme réponses à la crise de légitimité de l’UE (20’)
  • La sociologie des eurodéputés, qui les rend propices à se saisir de ces enjeux (23’10)
  • Quel statut juridique pour le texte du Parlement européen, qui n’a pas tout à fait force de « loi » ? (28’20)
  • Les dangers portés par ce texte en termes de relativisation des crimes nazis (32’30)
  • Problèmes et omissions du texte (37′)
  • Les limites plus générales des politiques de mémoire (40’)
  • Quelles mémoires doivent fabriquer les musées, les enseignants ? (44’)

Les références pour aller plus loin :

Christine Cadot, Mémoires collectives européennes, Presses universitaires de Vincennes, 2019.

Sandrine Lefranc, Sarah Gensburger, A quoi servent les politiques de mémoire? Paris, Presses de Sciences Po, 2017.

Article des “Décodeurs” (Le Monde) sur cette résolution

Article de Charles Heimberg critiquant cette résolution

83. Polices politiques du bloc de l’est, avec Emmanuel Droit

L’invité : Emmanuel Droit, professeur d’histoire à Sciences Po Strasbourg

Le livre : Les polices politiques du bloc de l’est, à la recherche de l’internationale tchékiste 1955-1989, Paris, Gallimard, 2019.

La discussion :

  • Le projet de réaliser une histoire transnationale des polices politiques du bloc de l’est (1’45)
  • Les lacunes documentaires liées aux destructions d’archives (4’)
  • Les défis pratiques de l’histoire transnationale : apprendre la langue polonaise pour lire les sources ! (5’30)
  • Le travail spécifique sur des sources bureaucratiques à la fois arides et révélatrices (8’)
  • La notion de « bloc de l’est » qu’il faut en partie questionner, ou déconstruire (10’)
  • La Tchéka, née en 1917, et référence mobilisée dans les années 1950 afin notamment de mettre à distance les politiques répressives staliniennes (11’40)
  • La mise en place des polices politiques en Europe de l’est après 1945, de façon différenciée suivant les pays
  • L’image du tchékiste, parfait communiste
  • L’articulation entre dimensions socialiste, policière et patriotique de leur identité (20’)
  • Le tournant de la fin des années 1960, après le Printemps de Prague et avec la hausse des voyages au sein du bloc de l’est (22’30)
  • Une période qui remet en question l’image d’immobilisme ou de stagnation à l’est dans les années 1970, si l’on essaie de penser les futurs non advenus et de ne pas raconter l’histoire par la fin (26’)
  • L’exportation des pratiques policières dans le Tiers-Monde, au temps de la guerre froide globale : Cuba, Nicaragua, Yemen… (28’30)
  • Le défi du terrorisme international dans les années 1970, et l’ambiguïté des pays de l’est à son égard (31’)
  • La tension dans la pratique tchékiste entre le secret et l’affichage (33’)
  • Le fossé mémoriel entre Russie et Europe de l’est sur a question (35’)
  • Comment penser le passé de la RDA aujourd’hui, sans nostalgie ni simplifications faisant de la Stasi la seule composante de cette expérience ? (38’30)

Le conseil de lecture : Chris Kraus, La fabrique des salauds. Trad. de l’allemand par Rose Labourie. Belfond, 2019.

50. Sport et création artistique à l’époque soviétique, avec Julie Deschepper et Sylvain Dufraisse

Les invités : Julie Deschepper, doctorante à l’Inalco ; Sylvain Dufraisse, maître de conférences à l’Université de Nantes

L’exposition et le livre:

“Rouge. L’art au pays des soviets” (Grand Palais, jusqu’au 22juillet 2019)

Les héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930 – années 1980), Champ Vallon, 2019.

La discussion : pourquoi il faut voir l’exposition « Rouge », d’une grande richesse en termes d’œuvres exposées, et de variété de formes artistiques (1’) ; un art qui ne se réduit pas à ses dimensions officielles ou « totalitaires » (3’) ; parmi ces œuvres, celles consacrées aux corps, allant de la biomécanique de Meyerhold à la promotion de la vigueur physique (5’) ; d’autres qui illustrent la violence stalinienne (7’10) ; la césure muséographique entre 1er niveau de l’exposition (années 1920) et second niveau (années 1930) à interroger (8’50) ; la complexité des années 1930 avec l’ouverture aux loisirs « modernes » comme le parachutisme (10’15) ; le concept moins simple qu’il n’y paraît de « réalisme socialiste » (13’40) ; certaines continuités entre les années 1920 et 1930 en matière de figuration et de représentation (18’40) ; l’accent bienvenu mis sur l’architecture et l’espace public dans l’exposition (21’) ; les reconfigurations de la ville socialiste dans un contexte de pénuries de logements (24’) ; les artistes et sportifs comme « promus » (Nicolas Werth) dans la société soviétique (27’15) ; le concept de kultur’nost ou de « civilisation » soviétique ; les contradictions du sport de compétition dans une société collectiviste (30’) ; la nécessité d’éviter une lecture trop monolithique du régime soviétique, pour comprendre les discussions ou compétitions entre organes (34’35) ; la façon dont l’URSS se construit au contact de l’étranger et de l’Ouest (avec le fait de quitter ou de rejoindre les fédérations sportives « bourgeoises » ou le CIO) (41’30) ; l’URSS qui attire des sportifs « marginaux » comme Jules Ladoumègue dans les années 1930 (43’) ; les problèmes que posent les voyages des sportifs soviétiques à l’étranger (46’) ; un retour critique sur l’idée de « stagnation » à l’ère brejnevienne (51’10), les conseils de lecture.

Les références citées dans l’émission :

« Rouge ! L’art au pays des soviets », documentaire d’Arte (A. Minard)
– Michael David-Fox, Showcasing the Great Experiment. Cultural Diplomacy and Western Visitors to the Soviet Union, 1921‑1941, Oxford University Press, 2012.
– Sabine Dullin, La frontière épaisse. Aux origines des politiques soviétiques (1920-1940), Paris, Éditions de l’EHESS, 2014.
– Marc Elie et Isabelle Ohayon, « L’expérience soviétique à son apogée », Cahiers du monde russe, 54/1-2, 2013.
– Emila Koustova, « Les fêtes révolutionnaires russes entre 1917 et 1920. Des pratiques multiples et une matrice commune », Cahiers du monde russe, 47/4, 2006.
– Cécile Pichon-Bonin, Peinture et politique en URSS : l’itinéraire des membres de la Société des artistes de chevalet (1917-1941), Dijon, Les Presses du réel, 2013.
– Travaux de Valérie Pozner sur le cinéma

Les conseils de lecture :

– Ilf et Petrov, Le veau d’or
– Gianni Haver, Jean-François Fayet, Valérie Gorin, Emilia Koustova (dir.), Le spectacle de la Révolution. La culture visuelle des commémorations d’Octobre, Lausanne, Antipodes, coll. « Univers visuels », 2017
– Sheila Fitzpatrick, Le stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30, Paris, Flammarion, 2002.

41. Raïssa Bloch, une médiéviste dans la tourmente du premier XXe siècle, avec Agnès Graceffa

L’invitée : Agnès Graceffa, historienne médiéviste (musée de la Résistance de Bruxelles)

Le livre : Une femme face à l’histoire. Raïssa Bloch, Saint-Pétersbourg-Auschwitz (1898-1943), Paris, Belin, 2016.

La discussion : les origines du travail et la collecte des archives privées concernant Raïssa Bloch (1’15) ; le parcours de Raïssa Bloch qui débute dans une famille de la bourgeoisie juive de Saint-Pétersbourg (4’30) ; la possibilité des études universitaires pour les femmes en Russie à l’époque (6’50) ; le foisonnement artistique des débuts de l’URSS auquel participe Raïssa Bloch (8’06) ; du fait notamment de ses capacités linguistiques (10’20) ; la confrontation avec l’arbitraire du pouvoir soviétique et son arrestation (11’25) ; un premier exil en Allemagne, où vit une énorme communauté russe émigrée (14’20) ; les relations de Raïssa Bloch avec Vladimir Nabokov / Sirine (16’25) ; son insertion dans la médiévistique allemande, via les Monumenta Germaniae Historica et la réalisation de sa thèse sur Léon IX (21’) ; un statut d’ « intellectuelle précaire », reléguée à des tâches d’érudition fastidieuse (23’15) ; l’aide en France de Ferdinand Lot et son rôle pour intégrer Raïssa Bloch, auprès des médiévistes français, à qui elle apporte sa connaissance de l’Allemagne (27’30) ; en Allemagne, la montée du nazisme et les difficultés qu’elle rencontre (32’45) ; une vie plus difficile encore en France occupée, face aux persécutions, avec l’arrestation de son mari (35’50) ; son passage dans la clandestinité, son action dans l’OSE auprès d’enfants, et sa propre arrestation (40’40) ; leur souvenir entretenu par leurs proches (43’15).

Le conseil de lecture : Jean-Michel Chaumont, Survivre à tout prix ? Essai sur l’honneur, la résistance et le salut de nos âmes, Paris, La Découverte, 2017.